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Équipe légendaire : Chapecoense 2016

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Quelle joie ! L’arrêt réflexe du pied de Danilo dans le temps additionnel a propulsé Chapecoense en finale d’un tournoi continental pour la première fois de son histoire. Dans une Arena Condá en ébullition, avec des supporters corps et âme derrière leur équipe, Chape l’a fait ! Elle s’est qualifiée pour la finale ! Leur adversaire allait être l’Atlético Nacional, champion de la Libertadores, un adversaire redoutable… Mais peu importe. Cette Chape avait fait tomber les titans argentins Independiente et San Lorenzo.

Les joueurs étaient prêts pour cette confrontation. Mais, quelque chose d’inattendu s’est produit. Au petit matin du 29 novembre 2016, l’avion qui transportait l’équipe brésilienne et plusieurs journalistes en direction de la Colombie, s’est crashé dans le Cerro Gordo, à La Unión, à quelques kilomètres de sa destination finale. Sur les 77 personnes présentes dans l’avion, seules six ont survécu… Parmi les décès, dix-neuf joueurs de la Chape sont décédés. Seuls trois ont survécu.

La finale de la Copa Sudamericana 2016 qui devait être une fête a pris la forme d’une tragédie. Le Brésil s’est réveillé sans comprendre. Plus les heures passaient plus on apprenait de détails sur l’accident. Un accident dont on parlait dans le monde entier. Mais pourquoi eux ? Une équipe que tout le monde encourageait. Pourquoi cet avion ? Pourquoi à ce moment-là ? À quatre ans de ce chapitre tragique, il est temps de se souvenir d’un des épisodes les plus tristes de l’histoire du football et surtout de cette équipe légendaire qui a fait rêver tant de personnes.

Une ascension impressionnante

L'équipe de Chapecoense

De la Série D à la Série A en six ans à peine !

Bien avant ses exploits de 2016, Chapecoense a connu une ascension spectaculaire. Tout commence en 2009, lorsque l’équipe participe à la première édition du championnat brésilien de Série D, lors de laquelle elle termine dans les quatre premiers et remporte ainsi son ticket pour grimper en Série C.

En 2012, l’équipe de l’État de Santa Catarina monte à nouveau de division, et accède à la Série B. Enfin, en 2013, Chape finit vice-champion de la deuxième division nationale (juste derrière Palmeiras) après une belle campagne – c’est l’équipe qui a perdu le moins, avec seulement six défaites en 38 matchs – et l’éclosion de son attaquant Bruno Rangel, qui termine meilleur buteur de la compétition avec 31 buts, loin devant les 22 buts de Marcos Aurélio (Sport).

Une première participation continentale prometteuse

Bien que beaucoup ne croyaient pas que l’équipe parviendrait à se maintenir dans l’élite, la Chape non seulement se maintient, mais remporte dès sa première année en Série A une victoire historique 5-0 contre Internacional (3e au classement de cette année-là). En 2015, l’équipe est toujours en Série A et dispute même pour la première fois un tournoi continental : la Copa Sudamericana. La Chape élimine Ponte Preta (Brésil) au 2e tour de la compétition (1-1 et victoire 3-0) et se qualifie pour les quarts de finale après avoir éliminé Libertad (Paraguay) 5-3 aux tirs au but, après deux matchs nuls sur le score de 1-1.

Finalement, l’équipe finit par s’incliner contre River Plate (victoire 2-1 puis défaite 1-3), qui avait remporté la Copa Libertadores quelques mois plus tôt et la Sudamericana en 2014. Même éliminée, l’équipe de Santa Catarina est saluée par tous pour son entrain et son courage et pour avoir touché le poteau à la 88e minute de jeu, action qui aurait pu changer le cours du match. Tout cela était un signe avant-coureur de ce qui allait arriver. Avec le maintien de l’effectif et quelques recrues, l’année 2016 pouvait être encore plus prometteuse pour le club de Chapecó.

Un effectif maintenu et un titre de champion d’État

La Chape parvient à maintenir son groupe pour la saison 2016 et recrute des joueurs bien ciblés pour étoffer l’effectif, tels que le jeune latéral Gimenez et les attaquants Kempes et Lucas Gomes. Sous les ordres de l’entraîneur Guto Ferreira, l’alviverde réalise une excellente première partie du championnat de Santa Catarina et termine à la première place avec sept victoires et deux nuls en neuf matchs, une performance qui qualifie l’équipe pour la finale. Dans la phase retour, la quatrième place n’a pas entravé les plans du Verdão do Oeste, qui doit affronter Joinville en finale, à la recherche d’un titre que le club n’avait plus gagné depuis 2011.

Au match aller, sur la pelouse adverse, Ananias marque le but de la victoire de la Chape 1 à 0. Lors du match retour, les 15 000 personnes qui ont rempli les gradins de l’Arena Condá se sont d’abord fait peur avec l’ouverture du score de Joinville par l’intermédiaire de Diego Felipe. Mais le Verdão a fini par égaliser grâce à un but de son meilleur buteur Bruno Rangel et remporte le titre de champion de l’État de Santa Catarina 2016, le 5e de l’histoire du club. Avec ses 10 buts, Rangel termine meilleur buteur de la compétition.

Un mois plus tard, l’entraîneur Guto Ferreira décide de quitter Chape pour tenter sa chance du côté de Bahia. Avec Guto, Chapecoense avait gagné 18 fois, fait 11 nuls et perdu 5 fois en 2016. Pour le remplacer, le club embauche Caio Júnior, un entraîneur qui fait son retour au pays après deux ans passés aux Émirats arabes unis. Il reprend l’équipe à la 12e journée du Brasileirão alors que la Chape est 11e au classement, et débute avec une victoire 3-2 contre Cruzeiro à l’Arena Condá. Lors du match suivant qui valait pour le troisième tour de la Copa do Brasil, la Chape fait match nul 0-0 contre l’Ahletico-PR à la maison puis 1-1 à Curitiba, résultat qui élimine l’équipe à cause du but encaissé à Chapecó. Mais ce résultat qualifie tout de même Chapecoense pour la Copa Sudamericana exactement comme lors de la saison antérieure. Et une fois encore, l’alviverde voit le tournoi continental comme son objectif principal.

L’épopée en Copa Sudamericana

Cuiabá – Chapecoense 2-3 (1-0 ; 1-3)

Cuiabá (Brésil) a été le premier grand défi pour la Chapecoense dans l’édition 2016 de la Copa Sudamericana, avec le club brésilien qui s’est imposé 1-0 au match aller, à l’Arena Pantanal. Au match retour, à Chapecó, Cuiabá prend de nouveau les devants et contraint la Chape à marquer trois buts. Cet exploit a fini par arriver grâce à des buts de Bruno Rangel (x2) et Lucas Gomes en seconde période qui ont envoyé la Chape en huitièmes de finale.

Independiente – Chapecoense 0-0 (4-5 tab)

En huitièmes, l’équipe doit affronter Independiente, le redouté Rey de Copas, septuple champion de la Libertadores. C’était un défi similaire à celui vécu par la Chape en 2015 contre River, mais les rojos étaient inférieurs aux millonarios et l’équipe brésilienne savait qu’un résultat positif sur le sol argentin serait fondamental avant le match retour, à Chapecó.

À Avellaneda, Chapecoense résiste à la pression du stade Libertadores de América et rentre au Brésil avec un match nul et vierge qui laisse la confrontation ouverte pour le match retour à la Condá Arena. Là, avec le soutien de ses supporters, la Chape étouffe les Argentins et touche à trois reprises les poteaux gardés par le gardien Campaña. Independiente met également la pression, surtout dans les dernières minutes, mais le score ne bouge pas et la qualification doit se jouer aux tirs au but. Et, dans cet exercice, c’est le gardien Danilo qui a fait la différence. Le gardien a repoussé quatre tirs : Benítez, Rigoni, Sánchez Miño et Tagliafico, pour le plus grand bonheur des supporters qui ont vu leur équipe se qualifier pour la deuxième fois consécutive en quarts de finale de la Copa Sudamericana.

Le signe qui aurait dû mettre en garde

Pour affronter Junior Barranquilla (Colombie), leur adversaire en quart de finale, Chapecoense a connu de graves problèmes de retards qui peuvent être vus comme des signes avant-coureurs de ce qui allait se passer un mois et dix jours plus tard. Mais le pire dans tout cela, c’est qu’à l’époque personne ne s’en est rendu compte. Après avoir affronté Cruzeiro à Belo Horizonte, pour le championnat brésilien, l’équipe de Santa Catarina a dû s’envoler pour Corumbá avant de poursuivre sa route vers Barranquilla. Cependant, le vol a été retardé de six heures (!). Une fois arrivés dans la ville du Mato Grosso do Sul, ils ont dû prendre un bus jusqu’à Puerto Suárez, en Bolivie, pour embarquer de là-bas à bord de l’avion LaMia (compagnie engagée par le club) qui a emmené l’équipe en Colombie.

Pour aggraver les choses, entre les transferts sur le sol bolivien, les joueurs et le staff ont dû parcourir quelques kilomètres dans des camionnettes sans portes ni fenêtres ! Même dans les clubs amateurs on ne voit pas cela. Pourquoi n’ont-ils pas pris simplement un vol commercial ? Pourquoi n’ont-ils pas embauché une entreprise plus structurée ? Toute cette pagaille a provoqué 22 heures de retard pour l’arrivée de la Chape. Et l’équipe est allée reconnaître le terrain le soir même de l’atterrissage, la veille du match. Comme on pouvait l’imaginer, l’équipe brésilienne s’est inclinée 1-0, avec des joueurs stressés, fatigués et incapables de jouer avec un minimum de concentration un match éliminatoire d’une compétition internationale.

Junior – Chapecoense 1-3 (1-0 ; 0-3)

Heureusement, ils ont pu renverser la situation au match retour, dans des conditions… normales. Une fois encore, dans une Arena Condá pleine, les supporters ont poussé l’équipe avec beaucoup de passion sous la pluie torrentielle qui est tombée à Chapecó cette nuit du 26 octobre. Ananias a ouvert le score à la 35e minute de jeu pour la Chape, puis Gil a ensuite doublé la mise juste avant la pause. Puis à un quart d’heure de la fin, Thiego a marqué le but du 3-0 qui a scellé la qualification historique de Chapecoense en demi-finale de la compétition.

Il ne restait plus que quatre matchs pour un incroyable titre continental ! Un club qui quelques années en arrière était encore en Série D, avait l’opportunité d’être champion d’Amérique !

San Lorenzo – Chapecoense 1-1 (1-1 ; 0-0)

Avant de rêver du titre, un autre défi gigantesque attend l’équipe de Caio Júnior. Chape doit d’abord battre San Lorenzo, champion de la Copa Libertadores 2014 et entraîné par l’entraîneur Diego Aguirre.

Comme lors des tours précédents, l’équipe de Chapecó a la chance de jouer le match retour à domicile. Et, à l’aller dans un Nuevo Gasómetro hostile, Chape a eu du cran. L’équipe a joué d’égal à égal avec les Argentins en présentant un football digne des plus grands champions. Même le but encaissé en première mi-temps n’a pas ébranlé l’esprit guerrier de la Chape. Et, à la 62e minute de jeu, Ananias, a marqué le but de l’égalisation : 1-1, score final.

Après la rencontre, Ananias a commenté ce bon match nul remporté à Buenos Aires pour globoesporte.com : « Cette équipe merveilleuse s’est battue, nous avons été courageux, contre tout et tout le monde. Je sais que le Brésil nous soutient. On a joué l’an dernier contre River, on est habitué, on sait jouer cette compétition« .

Le héros Danilo !

Puis arrive le match retour. Les joueurs savent qu’un simple 0-0 les qualifieraient pour la finale. Tout va se jouer à l’Arena, qui allait devenir l’épicentre de l’épopée alviverde. Avec près vingt mille personnes dans les gradins, le stade de Chape est un chaudron encore plus chaud que lors des matchs contre Independiente et Junior Barranquilla. Plus de fumée, plus de chant.

Le coup d’envoi est donné, les joueurs donnent tout, on peut sentir la tension. San Lorenzo se montre dangereux, mais Chape défend bien et répond en contre-attaques. C’est même Thiego qui pense ouvrir le score, mais le but est annulé par l’arbitre en raison d’un hors-jeu discutable. Le match suit son cours, et Danilo est fortement mis à contribution. Le gardien fait de superbes arrêts et est sauvé à plusieurs reprises par ses poteaux. C’est bien San Lorenzo qui se montre le plus dangereux.

On arrive à la 94e minute, il ne reste plus que quelques secondes à jouer. L’équipe argentine bénéficie d’une dernière opportunité pour marquer, avec un coup franc côté droit. Toute l’équipe monte dans la surface.

Le défenseur Neto a avoué quelque temps plus tard avoir même commencé à pleurer de peur que le pire arrive. Le ballon voyage jusqu’à la surface alviverde, aucun défenseur ne parvient à la dégager et la balle atterrit dans les pieds de Blandi. Le joueur du Ciclón tire à bout portant, mais Danilo parvient à repousser le tir avec un joli réflexe du pied. Le stade a alors explosé. C’était comme un but. Puis l’arbitre a sifflé la fin du match.

Pour voir les meilleurs moments de ce Chapecoense – San Lorenzo

Chapecoense est en finale de la Copa Sudamericana ! L’émotion a envahi les joueurs et les supporters. Danilo, bien sûr, a été le héros du match et l’auteur d’un des arrêts les plus importants de toute l’histoire du club. Il a commenté l’action :

« C’était la dernière action du match, tout pouvait arriver. Ça a été une action très rapide. Sur le moment, je pensais que j’allais encaisser le but, car il était très proche. Ma chance, c’est qu’il n’a pas tiré très fort. Ce n’était pas un arrêt très difficile. Mais c’était un arrêt important, l’un des arrêts les plus importants de ma carrière. […] Je dois juste remercier Dieu, car il s’est rapproché de moi, dans mon champ d’action. Sinon, je n’aurais pas pu faire cet arrêt, et injustement selon moi, notre équipe ne se serait pas qualifiée pour la finale. Dans les deux matchs, notre équipe a très bien joué et nous méritions la qualification ». – Danilo, gardien de la Chape, dans une interview accordée à la SporTV, le 24 novembre 2016.

Un exploit qui a rendu fier tout le Brésil

L’exploit de l’équipe a fait la une des journaux de tout le continent. Et de tout le Brésil. C’était la confirmation de l’une des ascensions les plus fulgurantes de l’histoire du football brésilien et même mondial. De la quatrième division à l’élite du football national et à une finale continentale en seulement six ans, c’était incroyable !

Et, dans le championnat brésilien de cette année-là, Chape faisait également sa meilleure campagne de l’histoire avec 52 points à la fin de la 36e journée après avoir remporté une troisième victoire consécutive en battant São Paulo 2-0 à domicile. Fait intéressant, c’est contre le Tricolor que la Chape a joué le match avec le plus grand nombre de spectateurs de ce championnat : 54 996 personnes se sont rendues au Morumbi pour voir le match nul 2-2 entre São Paulo et Chapecoense.

Le Verdão de l’Ouest était en train de réaliser une saison vraiment impressionnante, jouant sans crainte dans n’importe quel stade et avec une équipe très organisée, qui pouvait jouer avec trois attaquants ou avec Bruno Rangel seul en pointe. L’équipe ne dépendait pas que de son buteur et avait plusieurs joueurs clés comme Ananias, Lucas Gomes, Kempes, Dener, Cléber Santana et Gil.

Après cette qualification historique contre San Lorenzo, Chape n’a pas eu de répit. Le 27 novembre, il y avait déjà un match contre Palmeiras, qui avait la possibilité d’être champion dès cette journée en cas de victoire ou match nul.

Avec les yeux déjà tournés vers la finale de Sudamericana, Caio Júnior a aligné une équipe mixte qui a fini par perdre 1-0 face au Verdão, qui a fêté son titre de champion. En voyant cette fête verte à l’Allianz Parque, Chapecoense pouvait déjà s’imaginer la sienne d’ici quelques jours à Curitiba au Couto Pereira, où l’équipe allait disputer la finale, du fait que l’Arena Condá ne peut pas accueillir le nombre minimum de 40 000 supporters requis par Conmebol en finale continentale.

Avant cela, il fallait tout d’abord faire le boulot au match aller, face à un adversaire redoutable : l’Atlético Nacional (Colombie), champion de la Copa Libertadores quelques mois plus tôt, et dont l’objectif était de remporter les deux principales coupes continentales dans la même saison.

Une fois encore, la Chape allait devoir faire un long voyage jusqu’en Colombie. Est-ce que cette fois les dirigeants du club allaient embaucher une autre compagnie ou bien prendre un vol commercial ? Malheureusement, la réponse est non. Ils ont répété le même schéma qu’un mois avant. La même compagnie LaMia. Le même avion. Une erreur qui a été fatale.

La tragédie

La délégation de la Chapecoense devait prendre un vol direct de Guarulhos (São Paulo) à Medellín, le 28 novembre, mais l’ANAC (Autorité nationale de l’aviation civile) s’y est opposée en se basant sur le code aéronautique brésilien et la convention de Chicago, qui disent que seule une compagnie aérienne brésilienne ou colombienne pouvait faire le voyage – LaMia était bolivienne.

Du coup, l’équipe brésilienne a dû faire le voyage en deux étapes. La première s’est faite sur un vol commercial de Guarulhos à Santa Cruz de La Sierra, en Bolivie. Et de là, ils ont pris l’avion LaMia en direction de Medellín. Et c’est là que les erreurs et les négligences qui allaient provoquer l’une des plus grandes tragédies de l’histoire du sport ont commencé.

Le fameux avion de LaMia aurait dû faire une escale à Cobija, faire le plein et reprendre sa route vers Medellín. Mais le pilote a préféré aller tout droit pour économiser du carburant, en poussant l’avion jusqu’à ses dernières limites. Il disait qu’atterrir à l’aéroport de Cobija la nuit était risqué, car l’endroit n’était pas éclairé. Il pouvait également atterrir à Bogotá (un trajet d’un peu plus de 2700 km), mais il ne l’a pas fait. Cette manœuvre absurde a été approuvée par quelqu’un qui a vu le plan de vol et a fermé les yeux.

En bleu le trajet initialement prévu. En rouge le trajet effectué.

C’était simplement un manque de préparation de plus d’une entreprise qui ignorait depuis longtemps déjà les protocoles de base de sécurité aérienne selon un rapport de l’Agence de l’aviation civile de Colombie révélé en avril 2018. La société risquait de manquer de carburant en plein air tout cela pour faire des économies. À cela, on peut ajouter un manque de préparation de ses agents de bord et des pilotes. LaMia sautait des escales et changeait des destinations pour gagner du temps et économiser du carburant.

Et, dans la nuit du 28 novembre 2016 – au petit matin du 29 novembre, à l’heure de Brasilia – toutes ces erreurs et négligences ont causé ce qui avait été prédit depuis longtemps : un accident. Quarante minutes avant l’heure fatale, des lumières rouges se sont allumées dans l’avion et des alertes sonores ont été émises dans la cabine. L’équipage, au lieu de vérifier ce qui se passait et d’en découvrir la cause, n’a rien fait.

Le manque de carburant était imminent. La masse minimale de carburant que l’avion aurait dû avoir pour décoller était de 11 603 kilos. L’avion LaMia a décollé avec 9 300 kilos… Le pilote n’a commencé à contacter la tour que lorsque la situation était hors de contrôle. Quand il a demandé à atterrir d’urgence, la contrôleuse aérienne a informé que d’autres avions se trouvaient devant lui et qu’un déplacement vers la droite était nécessaire. Découvrez la conversation, extraite après la divulgation de l’enregistrement :

Miguel Quiroga, pilote de l’avion de la Chapecoense : « Le vol LaMia CP2933 est en approche. Nous demandons la priorité pour l’approche, car nous sommes confrontés à un problème de carburant ».

Yaneth Molina, contrôleuse aérienne : « Je vois. Vous demandez la priorité pour votre atterrissage en raison d’un problème de carburant. C’est bien cela ? »

Pilote : « Affirmatif ».

Contrôleuse aérienne : « Ok. D’accord. Je vais vous donner des instructions pour faire l’approche. Dans environ sept minutes, je commencerai la confirmation ».

Contrôleuse aérienne : « J’ai un avion en dessous de vous effectuant l’approche, en plus nous sommes affectés par une révision de la piste. Pendant combien de temps pouvez-vous rester en approche, LaMia ? »

Pilote : « Avec une urgence de carburant, mademoiselle. C’est pourquoi je vous demande une trajectoire finale ».

Contrôleuse aérienne, pour un autre avion : « Avianca 9356… Commencez l’approche maintenant ».

L’autre avion : « Commence l’approche maintenant ».

Pilote : « Je demande un atterrissage immédiat ».

Contrôleuse aérienne : « LaMia 2933, pouvez-vous effectuer une déviation vers la droite pour commencer une descente ? Il y a du trafic 1 mile en dessous de vous ».

Pilote : « Nous demandons à être incorporés une fois pour toutes dans un autre vecteur ».

Contrôleuse aérienne : « Il y a du trafic devant vous, à 18 000 pieds ».

Contrôleuse aérienne : « Soyez attentifs, LaMia 2933. Poursuivez l’approche. Piste humide. Avez-vous besoin d’assistance sur la piste ? ».

Pilote : « Nous vous confirmerons l’assistance sur la piste ».

Pilote : « Mademoiselle, LaMia 2933 est en panne totale, sans carburant ».

Contrôleuse aérienne : « C’est libre et en attente de pluie sur… Les pompiers sont en alerte ».

Pilote : « Des vecteurs, madame ! Des vecteurs ! ».

Contrôleuse aérienne : « Le signal radar a été perdu. Je ne vous ai pas. Informez le cap maintenant ».

Pilote : « Vers 3,6,0. Vers 3.6.0 ».

Contrôleuse aérienne: « Vous êtes à 8,2 miles de la piste ».

Pilote : « Jesus ! ».

Contrôleuse aérienne : « Que venez-vous de dire ? ».

(Voix masculines dans la tour de contrôle) : « Il ne répond plus ». « Non ». « Il est déjà tombé. Il est déjà tombé ».

Contrôleuse aérienne : « Quelle est votre altitude maintenant? »

Fin du contact.

L’avion a fait deux tours près de Medellin avant la chute

À 21h58 (heure de Colombie, 2h58, heure de Brasilia), l’avion qui emmenait 77 personnes, dont 22 joueurs, 14 personnes du staff, 9 dirigeants, 21 journalistes, 2 invités et 9 membres d’équipage est tombé dans le Cerro Gordo, à La Unión.

L’armée de l’air colombienne a rapidement déployé des hélicoptères pour localiser l’avion, mais la tentative de sauvetage initiale a été entravée par une mauvaise visibilité causée par la pluie qui est tombée dans la région cette nuit-là, ainsi que par son accès difficile. Sur les lieux, les secouristes ont réalisé l’ampleur de la tragédie. Mais des lueurs d’espoir ont commencé à surgir. En fait, six. Ce sont les six personnes qui ont survécu. L’hôtesse de l’air Ximena Suárez, les joueurs Alan Ruschel, Neto et Jakson Follmann, le journaliste Rafael Henzel et le technicien Erwin Tumiri.

Les heures passaient et la tragédie se répercutait dans le monde entier. L’émotion était générale. Cela faisait des décennies qu’un accident d’une telle ampleur ne s’était pas produit dans le sport. Et, la façon dont cela est arrivé a choqué tout le monde. Une équipe de jeunes, en pleine ascension, sur le point de remporter un titre épique et historique, s’est terminée brutalement en raison d’erreurs et de négligences qui auraient pu être évitées.

Une peine, une tristesse qui a brisé le cœur de millions de personnes. Tous ceux qui ont été touchés leur ont rendu hommage, que ce soit en Amérique du Sud, en Europe, en Afrique, en Asie, en Océanie. Le monde du football a adopté Chapecoense. « Força Chape » et « Vamos Chape » sont devenus des mantras.

Quatre salons funéraires de Medellín ont préparé les corps pendant près de deux jours afin qu’ils puissent être transportés dans leurs pays respectifs. Le 2 décembre, des avions de l’armée de l’air brésilienne et des avions particuliers ont commencé à ramener les corps au Brésil.

Le 3 décembre, un jour de pluie, avec un ciel gris et une tristesse indescriptible, l’Arena Condá a reçu 50 des 71 victimes de la tragédie pour des funérailles. Dans les tribunes, des membres de la famille, des supporters, des amis, des dirigeants et même le président de la FIFA étaient présents pour le dernier adieu aux personnes qui leur ont provoqué tant de joie. Le plus impressionnant est que pendant toute la cérémonie, la pluie ne s’est pas arrêtée. Ce fut l’un des moments les plus émouvants et les plus tristes de toute l’histoire du football. Des scènes qui ne sortiront jamais de la mémoire de ceux qui ont suivi toute cette épopée de l’équipe de Chapecó.

Comme on pouvait l’imaginer, la finale de la Copa Sudamericana a été annulée. Et, dans un geste de profonde solidarité, l’Atletico Nacional a envoyé une déclaration à la Conmebol pour remettre le trophée de champion à Chapecoense. Voir la note:

« Parce que nous sommes très concernés par le côté humain, nous pensons à l’aspect compétitif et nous voulons publier cette déclaration dans laquelle l’Atlético Nacional demande à la CONMEBOL que le titre de la Copa Sudamericana soit remis à Chapecoense en hommage à sa grande perte et en hommage posthume aux victimes de l’accident fatal qui a laissé le sport en deuil. De notre côté, et pour toujours, Chapecoense : Champion de la Copa Sudamericana 2016 »

La demande a été immédiatement acceptée par l’entité, qui a officialisé Chapecoense en tant que champion de la Copa Sudamericana 2016. En plus de cela, le club colombien a rempli son stade le 30 novembre lors d’un hommage tout simplement stupéfiant, impressionnant et émouvant, pour une gigantesque veillée le jour même du jour lors duquel devait avoir lieu le match aller de la finale.

Le 7 décembre, date à laquelle le match retour aurait dû se jouer, des milliers de supporters de l’Athletico-PR, de Coritiba, de Paraná et d’autres clubs ont rempli le Couto Pereira et ont rendu un autre hommage remarquable à Chape et aux joueurs. Le même soir, le match retour de la finale de la Copa do Brasil a eu lieu entre l’Atlético-MG et Grêmio à Porto Alegre. Et une minute de silence a été respectée en l’honneur de l’équipe de Chapecó.

La synchronie entre toutes ces personnes de Curitiba et de Porto Alegre était quelque chose d’unique. Et c’était probablement la seule fois de l’histoire qu’une minute de silence a été vraiment respectée par une foule dans un stade. Il n’y a pas de mots pour le décrire. Juste en le voyant et en le ressentant.

Toute la dernière journée du championnat brésilien a été reportée. Des personnalités du monde du sport leur ont rendu hommage, les clubs portaient des maillots personnalisés, des minutes de silence étaient tenues et des monuments illuminés en vert au Brésil et dans plusieurs villes du monde. Medellín et Chapecó ont signé un décret pour devenir des villes jumelles, le Cerro Gordo a été renommé Cerro Chapecoense et des matchs amicaux ont été organisés en l’honneur du club. Jamais auparavant le football n’avait connu autant de gestes, autant de solidarité qu’en ces jours de novembre et décembre 2016.

La reconstruction

En 2017, Chapecoense a dû recommencer son histoire. Face à la tragédie, il a même été envisagé d’accorder au club l’immunité d’une éventuelle relégation en championnat, mais cela a été refusé par le président du club, Plínio David De Nes Filho, qui souhaitait construire un nouveau Chape avec les propres forces du club. Plusieurs équipes ont proposé de prêter des joueurs pour cette reconstruction, mais ces aides étaient plus dans le discours que dans l’action elle-même. L’équipe a recruté 15 renforts, certains en prêt, en plus de l’entraîneur Vagner Mancini.

L’équipe a disputé la Copa Libertadores et a fait une bonne phase de groupes, mais une erreur dans la titularisation d’un joueur qui ne pouvait pas jouer a causé une perte de points et l’élimination de l’équipe. Dans le championnat de Santa Catarina, Chape a été double champion. L’équipe a également disputé le traditionnel trophée Joan Gamper, contre Barcelone, qui a marqué le retour d’Alan Ruschel sur le terrain. Le Verdão do Oeste a également disputé la Suruga Cup (défaite 1-0 contre Urawa Red Diamonds-JAP) et la Recopa Sudamericana, contre l’Atlético Nacional. À l’aller, Chape a gagné 2-1, dans un match lors duquel de nombreux hommages ont été rendus. Au match retour, au stade Atanasio Girardot, ce même stade qui aurait dû recevoir l’équipe en 2016, les Colombiens se sont imposés 4-1, résultat qui a donné le titre à l’alviverde de Medellín.

Mais la grande réussite de Chapeconese en 2017 a été dans le championnat brésilien. Même avec 38 longues journées, des adversaires compliqués et sans le bénéfice de l’immunité, Chape est non seulement resté en Série A, mais a également garanti une place pour la Coupe Libertadores 2018 en terminant à la 8e place. C’était le meilleur classement de l’histoire du club dans le Brasileirão.

Malheureusement, en 2019, Chapecoense a connu sa première relégation en Série B. Depuis lors, le club est à la recherche d’une nouvelle équipe pour réaliser les exploits que l’équipe de 2016 a réalisés. La route est longue, mais l’espoir fait vivre, il reste intact comme les exploits des joueurs qui ont élevé Chape à un niveau unique dans le football.

Les protagonistes de ce Chapecoense 2016

L’équipe type : Danilo (Nivaldo / Follmann); Gimenez (Mateus Caramelo), Thiego, Neto (Rafael Lima) et Dener (Alan Ruschel); Gil, Josimar (Matheus Biteco) et Cléber Santana; Ananias (Lucas Gomes) et Tiaguinho (Hyoran / Maranhão); Bruno Rangel (Kempes). Entraîneurs : Guto Ferreira (jusqu’à juin) et Caio Júnior.

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