Leopoldo Jacinto Luque fait partie des champions du monde de 1978, mais cette Coupe du monde n’a pas été facile à vivre pour lui. Le jour où la sélection argentine a affronté la France, il a perdu son frère et a joué le match sans le savoir. Ce mondial a été marqué par la dictature de Videla qui sévissait dans le pays, et qui l’a fait kidnapper un an plus tard. Il a d’ailleurs reconnu avoir craint pour sa vie. Découvrez l’autre facette de la vie de celui qui fut un grand buteur de l’Albiceleste.
Une Coupe du Monde entachée par le décès de son frère Oscar
Lepoldo Jacinto Luque est l’un des auteurs des pages dorées du football argentin, avec en point d’orgue, la Coupe du Monde remportée avec l’Albiceleste en 1978. Sauf que durant cette Coupe du Monde, Luque a perdu un membre de sa famille dans un accident de la route et l’a appris, par décision de la famille, seulement après avoir été décisif lors du match contre la France. Ce match était le deuxième de l’équipe argentine dans la compétition, après s’être imposé 1-0 dans le match d’ouverture contre la Hongrie.
L’Albiceleste a gagné 2-1 face aux Bleus grâce à un but sur penalty de Daniel Alberto Passarella et à un golazo de Luque, alors que Michel Platini avait égalisé pour la France. L’attaquant a joué ce match sans savoir que son frère était décédé dans un accident de voiture alors qu’il était en route pour aller au stade le voir jouer.
« Mon frère est allé à la gare pour acheter des billets pour venir me voir à Buenos Aires, mais il n’a pas réussi à en obtenir. Au lieu de rentrer chez lui, il a cherché une autre solution et a rencontré un ami qui allait à Buenos Aires. Il s’est joint à lui et à hauteur de San Isidro, il a percuté un camion dans un virage et mon frère est décédé« , a raconté Luque dans l’émission de télévision PH de Telefe au sujet de l’accident de son frère Oscar.
Les proches de Leopoldo ne voulaient pas qu’il se distrait du match, c’est pourquoi ils ont décidé de ne pas lui raconter la tragédie qui s’était produite avant une confrontation aussi importante que celle contre la France pour la Coupe du monde. « Mes parents et la femme de mon frère ont donné l’ordre de ne pas me prévenir. J’ai joué sans le savoir et je me suis cassé le coude, je ne l’ai pas fait pour me faire passer pour un héros. Le lendemain, j’ai remarqué qu’ils étaient bizarres, j’ai pensé qu’ils venaient me voir pour la blessure. Mais mon père m’a tout raconté… Je suis allé l’identifier en pleine Coupe du monde et je l’ai emmené à Santa Fe », a expliqué Luque.
Après avoir été déterminant face aux Bleus, le héros à la moustache a manqué la rencontre suivante contre l’Italie. « Nous étions en train de transporter le corps à Santa Fe lorsque mon père a allumé la radio. C’était juste au moment où les équipes entraient sur le terrain. Muñoz a dit qu’il allait y avoir une minute de silence et que les joueurs tenaient une banderole qui disait ‘Leopoldo, on t’attend' », raconte-t-il.
Au début, il n’avait pas l’intention de revenir dans le groupe, mais il a fini par le faire, après le match contre la Pologne. Il a fait son retour face au Brésil, a marqué deux buts lors de la large victoire contre le Pérou et a été excellent en finale contre les Pays-Bas, match qu’il a terminé avec le nez en sang après un choc avec un adversaire. À la fin du match, il a eu le privilège de soulever la coupe. « Pendant un moment, j’étais comme un zombie. Les gens chantaient, faisaient la fête et je pensais à mon frère », a-t-il déclaré.
« Le silence de mort » à cause de la dictature
Pendant la Coupe du Monde de 1978, qui se disputait en Argentine, le pays n’était pas en démocratie et Leopoldo Jacinto Luque se souvient d’une triste anecdote qu’il a vécue avec ses coéquipiers durant la compétition. « Le bus avait une radio Motorola et c’et de là que les policiers recevaient des ordres. Le jour du match d’ouverture, alors que nous allions au stade, on entend un bruit à la radio, puis une voix qui dit : Les garçons, je parle aux joueurs. Ne jouez pas, ne vous laissez pas utiliser par ces ordures, ils tuent des gens. Immédiatement, l’un de ces types a sauté et dit : ‘éteignez ça s’il vous plaît, ‘. Je me souviens qu’il y a eu un silence de mort« , a raconté Luque.
En 1979, Luque a été enlevé par les militaires du pays juste après un match de River, que n’avait d’ailleurs pas disputé l’attaquant par décision de l’entraîneur, Ángel Labruna. Après le match, Leopoldo a été agressé et séquestré par les forces armées des militaires : ils ont pris ses affaires et l’ont menacé de mort.
« Ça m’énerve quand on dit qu’on a été champions grâce à la dictature. Ils disent qu’on traînait avec les militaires alors qu’ils m’ont séquestré, volé et que je n’ai pas été tué par miracle. Je te le dis, quand j’ai commencé à marcher et à affronter le terrain vague, dans ma tête, j’attendais juste le bruit du coup de feu, le Puum! qui me tuerait« , a déclaré Leopoldo Luque. Il se souvient également que l’un d’entre eux avait « une plaque de police dans une main et un pistolet dans l’autre« .
Plus tard, l’ex-attaquant de la sélection argentine a pu récupérer ses affaires et a été convoqué à une identification pour reconnaître ceux qui l’avaient enlevé et a déclaré : « C’était un militaire. Mais je n’ai rien dit. Je ne sais pas, j’ai eu peur, j’ai pensé que ce serait pire« .
L’engagement de Luque envers les Mères de la place de Mai
En 1977, un groupe de femmes argentines dont les enfants ont « disparu » a commencé à se réunir sur la place de Mai (en espagnol : Plaza de Mayo) pour demander justice. Le gouvernement de Jorge Rafael Videla décida alors de mener une dure répression contre les mères et ces dernières ont supplié les joueurs de l’équipe argentine de leur venir en aide : « Vous êtes notre dernier espoir, s’il vous plaît, aidez-nous« . Cependant, l’aide n’est pas venue.
Trente ans plus tard, Luque a rencontré les Mères de la Place de Mai au stade Monumental, le lieu où le monde l’avait vu soulever la Coupe avec l’équipe nationale argentine. « Nous l’avons fait pour ces vieilles dames. Pour leur lutte, pour ce qu’elles ont enduré, parce qu’elles le méritent. Vous savez ce que c’est de perdre quelqu’un et de ne pas savoir où il est ? J’ai perdu un frère pendant le Mondial, mais je savais qu’il était mort, j’ai pu l’enterrer. Elles ne savaient pas où étaient leurs enfants. C’est pourquoi nous sommes allés à cet hommage« , a déclaré Luque pour la revue Líbero. »
Les éloges de Diego Maradona pour Leopoldo Luque
Leopoldo Luque a eu la chance de partager un terrain avec Diego Armando Maradona. En février 1977, l’Argentine a affronté la Hongrie lors d’un match amical durant lequel le prodige de Villa Fiorito a fait ses débuts avec le maillot albiceleste.
Luque a été appelé pour laisser sa place à Maradona, qui n’avait alors que 16 ans. L’ex-attaquant de River se souvient avoir quitté la pelouse avec beaucoup de colère, non pas à cause du changement, mais parce que César Luis Menotti ne l’avait pas laissé jouer avec El Pelusa.
Au fil des années, les deux hommes ont noué une grande amitié et Leopoldo se souvient des éloges que lui a prodigués le champion du monde en 1986 : « Nous avions une excellente amitié, lors de mon anniversaire, il m’a envoyé un message et m’a dit : ‘Leopoldo, tu as été le meilleur joueur que j’ai connu‘ ».
Source : TyC Sports
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