AccueilArgentineLa triste (véritable) histoire du meilleur ami de Carlos Tévez

La triste (véritable) histoire du meilleur ami de Carlos Tévez

L’histoire de Darío Coronel, alias « Cabañas » comme il était surnommé dans son quartier de Fuerte Apache, renommé « Danilo, l’Uruguayen » dans la série « Apache : la vie de Carlos Tévez » pourrait également faire l’objet d’une série.

Bien que plus courte dans le temps, on peut dire que son histoire est l’opposé de celle de son ami Carlos Tevez, footballeur reconnu dans le monde et qui avait sa famille proche auprès de lui pour le soutenir et lui permettre de réussir sa carrière.

Une enfance difficile à Fuerte Apache

Le quartier de Fuerte Apache, à Ciudadela, en banlieue de Buenos Aires
Le quartier de Fuerte Apache, à Ciudadela, en banlieue de Buenos Aires

« Cabañas » était le meilleur ami d’enfance de Tevez. Les deux ont eu une enfance difficile comme les autres pensionnaires du quartier Ejército de los Andes, plus connu sous le nom de Fuerte Apache, dans un climat de tension permanente et où le football est souvent la seule chance d’ascension sociale.

Carlos Tevez s’est toujours dit « cent pour cent villero » et a reconnu que s’il n’avait pas été footballeur, il serait tombé dans la criminalité et aurait sûrement fini mort ou en prison. « Cabañas » n’a malheureusement pas pu échapper à cette destinée, alors que pour la plupart des gens qui l’ont vu jouer, il était meilleur que l’actuel attaquant de Boca, à la différence que ce dernier était toujours entouré par sa famille. En effet, son oncle Segundo et sa tante Adriana Martínez ont été fondamentaux pour lui donner un cadre affectif. Comme le dit l’Apache, « Segundo insistait sur le fait que je devais étudier ».

Dario Coronel Cabañas et Carlos Tevez lorsqu'ils étaient enfants
Dario Coronel Cabañas et Carlos Tevez lorsqu’ils étaient enfants

Tevez, connu dans le quartier comme « El Manchado », et « Cabañas » sont allés ensemble à l’école de Fuerte Apache et Carlos invitait souvent son ami chez lui. À l’âge de 11 ans, il a été abandonné par sa mère, qui après l’avoir vue revenir après un de ses nombreux délits, est rentrée au Paraguay et a emmené ses frères avec elle. Il s’est alors retrouvé seul, à vivre avec son beau-père, qui le battait. C’est à partir de là que son monde s’est effondré.

Le gang des Back Street Boys

Les BSB dans la série Apache : la vie de Carlos Tévez
Les BSB dans la série Apache : la vie de Carlos Tévez

Il a commencé à se rapprocher des « Back Street Boys » (BSB), un groupe de fans du rappeur américain Vanilla Ice. Ils commettaient de nombreux délits et presque aucun membre de cette bande n’a survécu. Certains d’entre eux ont été tués par la police et d’autres par des gangs rivaux. Ils s’appelaient « Los Guachos » et il se dit que sur environ 24 membres, 20 d’entre eux sont morts ou en prison.

Ils passaient leur temps à taguer, à danser, à faire des acrobaties avec les vélos qu’ils volaient. Ils volaient aussi des voitures, qu’ils conduisaient comme des fous, provoquant des accidents graves et des blessures. Ils squattaient les appartements des voisins immigrants, qu’ils chassaient pour rester chez eux, profitant du fait que peu de logements avaient de contrat à Fuerte Apache.

Ils se rendaient aussi à Córdoba et à Tucumán pour voler des banques et l’on dit même qu’ils ont tiré sur un poste de police, pour venger la mort d’un de leurs chefs. Une fois que les plus grands des BSB ont été emprisonnés ou tués, les plus petits, dont « Cabañas », ont grimpé dans la hiérarchie du gang.

Une réalité différente de la fiction

Danilo "Uruguayo" et Carlos Tevez dans la série Apache : la vie de Carlos Tévez
Danilo « Uruguayo » et Carlos Tevez dans la série Apache : la vie de Carlos Tévez

Dans la série Netflix, Matías Recalt joue magnifiquement le rôle de « El Uruguayo » Danilo, une référence à Darío « Cabañas » Coronel. Comme Tevez, Cabañas est né en 1984, et à l’âge de 10 ans, tous deux, ainsi que d’autres compagnons de son équipe, sont allés faire un test à Vélez où seul Cabañas a été retenu, bien que dans la version de la fiction, les deux ont passé la première étape. « Je représente le meilleur ami de Carlitos, mais ce n’est pas le même Cabañas pour des questions de respect pour la famille. C’est une question très sensible », avait déclaré Recalt à la chaîne de Boca, lors du tournage.

Malgré son potentiel de crack, dont « Cabañas » était lui-même conscient, il n’a jamais pu être constant dans le football et il finissait par quitter toutes les équipes pour lesquelles il a joué, surtout quand il a commencé à sniffer de la colle (la drogue des années 90).

Sa vie pouvait se résumer à quelques entraînements, la consommation de drogue, l’addiction, les délits et des passages dans des établissements pour mineurs, bien qu’il insistait à continuer à jouer. Cela n’a servi à rien qu’il signe ensuite à Banfield puis à Argentinos Juniors.

Il avait l’habitude d’aider des groupes d’enfants qu’il voyait seuls. Il les accompagnait à un kiosque et leur achetait ce qu’ils voulaient avec une partie du butin des vols. C’est d’ailleurs ce qu’avaient fait les membres des « BSB » avec lui, quand il était jeune et qu’il avait besoin de protection. Il apparaissait, parfois, comme un Robin des Bois des temps modernes, comme le décrit le journaliste Diego « Chavo » Fucks, dans son livre « Tevez, la vraie histoire ». Avec une autre partie de l’argent qu’il volait, il s’achetait des chaussures, des bijoux en or ou des vêtements.

Le meilleur joueur de Ciudadela

L'équipe Baby de All Boys avec Carlos Tevez et El Guacho Cabañas côte à côte
L’équipe Baby de All Boys avec Carlos Tevez et El Guacho Cabañas côte à côte

On le surnommait « El Guacho Cabañas » en raison de sa ressemblance avec Roberto Cabañas, le joueur paraguayen de Boca qui a brillé au début des années 1990. Il jouait « huit » et était costaud et robuste. Avec Tevez, ils avaient joué ensemble à Santa Clara et au Baby de All Boys, où l’on dit qu’ils formaient l’une des meilleures équipes de l’histoire de la catégorie. « El Guacho » avec le numéro dix, « El Manchado », avec le neuf. Ceux qui ont joué avec ou contre eux racontent qu’ils s’insultaient sur le terrain, et que plus d’une fois ils se sont disputés en dehors.

Dans son livre « Tevez, corazón apache », le journaliste Sebastián Varela del Río raconte que tout le monde à Ciudadela savait que « Cabañas » était le garçon qui avait le plus grand avenir, et que personne ne pouvait lui prendre le ballon lorsqu’il commençait à dribbler.

« Il a de l’espièglerie, de la classe et le sens du sacrifice. C’est, sans aucun doute, le meilleur joueur de football que le quartier a produit depuis longtemps. Tous ceux qui ont vu un match d’Estrella del Uno savent que cet enfant avait le potentiel pour se garantir un avenir prometteur dans l’élite du championnat argentin… ».

À ce moment des années 90, Darío Coronel était le joyau de l’équipe. C’était le joueur pour qui l’on pensait qu’on payerait des millions. Darío avec le 10, Carlitos avec le 9.

De Villa Real à Vélez

Dario Cabañas Coronel lors de son passage à Vélez
Dario Cabañas Coronel lors de son passage à Vélez

Eduardo « Pino » Hernández, ancien joueur de Vélez et de San Lorenzo, qui était sous contrat à Villa Real, un club également proche de Fuerte Apache, estime que « El Guacho » était le meilleur de ce groupe d’enfants qui ont joué au club, dont faisaient partie David Alaniz, Gonzalo Escobar, Yair Rodríguez (qui a joué à Independiente), Gerardo Rodríguez, Ariel Galeano et le gardien Jorge « Patu » Cardozo. Tous étaient de Fuerte Apache et jouaient à Santa Clara, qui jouait deux ou trois divisions en dessous de Villa Real, qui disputait la plus haute du Baby (catégories jeunes).

« Pino » Hernández les a convaincus d’aller à Villa Real alors qu’ils jouaient encore à Santa Clara en leur disant qu’ils allaient jouer dans une ligue plus compétitive, et que ce n’était pas loin de chez eux non plus.

« Villa Real a toujours accueilli des garçons de Fuerte Apache« . « Nous sommes presque à la limite de la rue General Paz (la rue qui sépare Ciudadela de Buenos Aires), à cinq minutes en voiture du quartier. On a toujours vu la différence entre les garçons de Ciudadela et ceux de la capitale. Comme si ceux de la Province avaient plus de coordination, parce qu’ils n’ont rien d’autre qu’une balle pour jouer ».

Une autre bonne raison d’aller à Villa Real était que Vélez observait souvent les joueurs de l’équipe. « Pino » Hernández, qui collaborait avec l’école de football de Vélez, a parlé d’eux au club. Cela faisait un moment déjà qu’il emmenait des enfants faire des tests au club. Il en sera de même dix ans plus tard avec Thiago Almada, un autre garçon de Fuerte Apache qui a joué à Villa Real et qui joue actuellement à Vélez.

Cabañas meilleur que Tevez ?

Dario Coronel est au centre dans la file du bas
Dario Coronel est au centre dans la file du bas

« Cabañas » et Tevez étaient souvent cités parmi les noms à suivre du Baby Soccer. Il les a ainsi amenés faire des tests en mars 1994, mais pour jouer sur le terrain à onze et cela a été négatif pour Tevez. Pino estime que cela a été préjudiciable au joueur de Boca parce que « El Guacho » « avait une autre prestance et Carlos était petit. » Seul Darío est resté et pendant un certain temps, Alaniz. Carlos a simplement joué des matchs amicaux à Villa Real et un tournoi qu’ils ont remporté à Córdoba, mais il ne voulait pas participer aux tournois de Baby.

Comme la véritable motivation de jouer à Villa Real était la possibilité de rejoindre Vélez, après le test, Tevez est revenu jouer avec les jeunes de All Boys. « Cabañas » est resté à Villa Real avec ses deux autres amis de Fuerte Apache. C’était le père de Gonzalo Escobar qui les amenait et allait le chercher aux entraînements et aux matchs. Il avait une Renault 4. La même qui l’a amenée faire des tests à Vélez.

Quoi qu’il en soit, « Cabañas » était libre à 15 ans, en huitième division. « C’était un joueur avec un avenir prometteur. Il avait tout pour jouer en Primera. Non seulement il était bon balle au pied, mais il était aussi très combatif », se souvient Hernandez. Boca et River le voulaient, mais il a préféré rejoindre Vélez parce que c’est un club qui mise sur ses jeunes pour jouer en Primera.

Un talent gâché

Les jeunes de Fuerte Apache : Darío "Cabañas" Coronel avec la casquette et Tevez avec le pull Nike
Les jeunes de Fuerte Apache : Darío « Cabañas » Coronel avec la casquette et Tevez avec le pull Nike

Un jour, les dirigeants des divisions inférieures de Vélez ont discuté avec Eduardo « Pino » Hernández. L’ancien joueur du club, qui s’occupait d’une catégorie de jeunes, connaissait bien « Cabañas », qu’il avait entraîné pendant trois ans à Villa Real. « Il a disparu du club. Peux-tu aller le chercher et lui dire de revenir ? » lui ont-ils alors demandé. Vingt ans plus tard, « Pino » Hernández s’en souvient ainsi : « son nom était gravé dans le club. On le voyait comme une possible future star. C’était un joueur spectaculaire, très complet. Il avait de la vitesse, de la technique, il était bon balle au pied ».

Comme je l’ai dit plus haut, c’est « Pino » qui l’avait fait signé à Villa Real, et qui l’avait amené faire des tests à Vélez. Du coup, quand il a disparu du club et que sa famille ne savait plus quoi faire pour lui, « Pino » lui a parlé. « Tu as le futur entre tes pieds… un futur impressionnant dans un métier qui est beau. Fais les choses correctement », lui a-t-il alors dit lorsque Darío était venu le voir à Villa Real. Puis il est reparti seul, comme s’il avait écouté ces conseils. Ou alors, comme si dans le fond, il voulait changer sa destinée.

À la suite à cela, il a fini par reprendre les entraînements. Mais à la fin de l’année, ses entraîneurs l’ont libérés. On raconte qu’il volait des vêtements à ses coéquipiers et ils ont fini par en avoir assez de son mauvais comportement. De plus, de nombreuses rumeurs circulaient à son sujet comme : il se dit qu’il a des problèmes de drogue ; apparemment, il s’est fait arrêter ; on dit qu’il a tué un policier ; ils ont carte blanche : si la police le croise, ils le tuent. Si à ce moment-là, ce n’était que des rumeurs, la tragédie a bien fini par arriver…

Les policiers me recherchent, ils veulent me tuer

Tevez qui pose avec Riquelme, lorsqu'il était encore ramasseur de balles
Tevez qui pose avec Riquelme, lorsqu’il était encore ramasseur de balles

En 2001, alors que Tevez jouait déjà dans les divisions inférieures de Boca, qu’il faisait partie de l’équipe argentine U15 et qu’il était à Arequipa, au Pérou, pour disputer le Sudamericano U17, Cabañas est apparu assis sur le trottoir avec une photo de Carlitos avec l’équipe argentine dans une main et un sac de colle dans l’autre. Didí Ruiz l’a vu pleurer et s’est assis à côté de lui.

« Comment est-ce possible ? Explique-moi. Je ne comprends pas comment ce connard est arrivé en Primera et tous les policiers me recherchent … ils veulent me tuer, Didí. Alors que je jouais mieux que lui. Tu sais comment je jouais, je n’ai pas besoin de te le raconter. Et regarde comment je suis maintenant. Toute la journée avec cette merde », peut-on lire dans le livre de Diego « Chavo » Fucks : « Tevez, la vraie histoire ».

Le « vieux » Propato, qui l’a entraîné aux All Boys avec Tevez et qui les emmenait dans sa camionnette pour aller s’entraîner, l’a croisé une fois à Comunicaciones, après que Vélez se soit lassé d’aller le chercher dans le quartier et qu’il ait quitté Banfield et Argentinos Juniors. « Qu’est-ce que tu fais là, alors que tu as autant de possibilités de jouer dans de plus grands clubs ? », a-t-il demandé. « Je ne l’avais pas vu depuis longtemps. Je savais qu’il ne jouait plus, qu’il volait, qu’il s’était battu avec tout le monde et qu’il était en difficulté. J’entraînais Comunicaciones et un matin, il est apparu. Je n’arrivais pas à y croire. Il avait déjà 15 ans. »

C’était lors de la saison 1999/2000. Carlitos jouait à Boca depuis deux ans et tout se passait bien pour lui. Au contraire de Dário. « Tano, le seul qui peut me sauver, c’est toi », m’a-t-il dit.

« Que pouvais-je faire de plus que de l’amener et le ramener ? … Je l’ai regardé, perplexe. Darío pouvait jouer où il voulait. Son niveau de jeu était trop élevé par rapport aux autres enfants que j’avais à Comunicaciones. Je lui ai proposé de l’emmener à Argentinos, à Boca avec Maddoni, à River avec Gabriel Rodríguez, mais il a insisté pour signer pour Comu. Il a dû jouer deux mois et dans cette catégorie, c’était comme avoir l’as de pique entre les mains. À ce moment-là, il était peut-être meilleur que Carlitos, mais l’environnement dans lequel a grandi Tevez était meilleur, et cela l’a aidé. Nous nous sommes ensuite rencontrés deux ou trois fois de plus, nous avons parlé de tout. Je voyais qu’il n’était pas bien. J’ai appris qu’il était mort quelques jours plus tard, quand les gars d’El Fuerte me l’ont dit », raconte-t-il dans « Tevez, la vraie histoire ».

Propato a appris qu’il s’était suicidé après avoir tué un policier et être rentré à Fuerte Apache avec une balle dans le nez. Il était condamné et l’on savait que la police avait carte blanche pour quoi que ce soit.

Ils avaient braqué le bingo de Ciudadela et avaient réussi à s’enfuir. Il ne manquait plus qu’un bloc pour arriver à Fuerte Apache et « Cabañas » savait qu’une fois sur place, ils ne pourraient pas l’attraper. Ils sont arrivés rue Besares et ont tourné. Cabañas a aidé plusieurs collègues à escalader un mur, mais il a entendu les sirènes des patrouilles de police. Lorsqu’il a vu qu’ils l’encerclaient, il s’est rendu compte qu’il n’avait aucune chance et que le moment était venu.

La promesse de Tevez

Quelques mois auparavant, quand il lui avait dit au revoir la veille de se rendre avec les U17 à Trinité-et-Tobago pour disputer la Coupe du Monde avec l’équipe nationale argentine, Tevez lui avait promis de lui ramener le maillot qu’il allait porter pour ses débuts. Les deux avaient alors 17 ans. Carlitos n’a pas pu tenir sa promesse.

À son retour, son oncle Segundo lui a annoncé que « Cabañas » s’était suicidé d’un coup de feu dans la tempe, alors qu’il était encerclé après une poursuite policière. Il avait toujours dit à Fuerte Apache que plutôt que de se rendre à la police ou que celle-ci tue un « chorro » (voleur, bandit), il préférait encore se suicider.

« On était ensemble toute la journée. On allait au club, au petit terrain du quartier, à l’école, partout. Cela a été un coup très dur pour moi. La dernière fois que je l’ai vu, j’ai eu le pressentiment que c’était un adieu », a avoué Tevez à Susana Giménez dans son émission de télévision.

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Steve André
Steve André
Grand amateur de football, je me suis découvert depuis plusieurs années une passion pour le football sud-américain. La ferveur, l'ambiance, la garra, l'histoire, voilà ce que je veux partager sur ce site.
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