Après avoir remporté la Coupe du monde 1950, l’Uruguay a passé des années sans briller en Coupe du monde, ne se qualifiant qu’à quelques reprises et n’atteignant pratiquement jamais les huitièmes de finale. Cependant, même sans grands résultats, le football du pays a révélé au monde des joyaux tels que Pedro Rocha, Rodolfo Rodríguez, Fernando Morena et un milieu de terrain qui a enchanté la planète pendant plus d’une décennie, principalement sous le maillot de River Plate : Enzo Francescoli, considéré par beaucoup comme l’un des plus grands joueurs uruguayens de tous les temps. Extrêmement habile, doté d’une incroyable vision du jeu et d’un sens du but à faire pâlir d’envie bien des attaquants, Francescoli a été la star de l’équipe nationale uruguayenne tout au long des années 1980 et jusqu’au milieu des années 1990. Il est l’un des rares joueurs du pays à ne pas avoir joué dans les plus grands clubs uruguayens (Peñarol et Nacional) et est plus adulé en Argentine (où il vit actuellement) que dans son pays d’origine. La raison ? Francescoli a tout simplement explosé à River Plate et fait aujourd’hui encore partie des plus grandes idoles du club. Avec les Millonarios, il a été exceptionnel, et a remporté de nombreux titres (dont une Libertadores en 1996) et plusieurs distinctions individuelles. Son passage en France lui a valu l’idolâtrie d’un jeune joueur qui brilla des années plus tard : Zinédine Zidane, qui a même donné à son fils le prénom de la star uruguayenne : Enzo.
Enzo Francescoli, le prince du football
Ses débuts au Montevideo Wanderes
Né à Montevideo, la capitale uruguayenne, Francescoli avec pour club de préféré Peñarol. Il aurait d’ailleurs aimé commencer sa carrière de joueur avec l’équipe aurinegra, mais il a été déçu par la façon dont les essais de l’équipe se déroulaient, car il était plus amené à regarder les autres qu’à jouer. En 1980, il décide alors de débuter sa carrière au Montevideo Wanderes, un club peu connu dans le pays, mais qui était fier d’avoir révélé au monde le grand défenseur chilien des années 1970, Elías Figueroa. Habile dès son plus jeune âge, Francescoli est rapidement surnommé « El Príncipe », en référence à l’ex-joueur des Wanderers, Aníbal Ciocca. Élégant et rapide, il est également comparé à la star uruguayenne d’antan, Juan Schiaffino.
Son passage au club de Montevideo est remarquable, il mène l’équipe à de grandes campagnes dans le championnat uruguayen, dont une place de vice-champion en 1980 et sur le podium juste derrière les deux grandes équipes du pays, Peñarol et Nacional, lors des années suivantes. Incapable de remporter un titre en club, Francescoli remporte son premier titre en 1983 avec son équipe nationale.
L’Uruguay remporte la Copa América
Malgré son jeune âge, Francescoli est appelé en équipe nationale uruguayenne et s’illustre lors de sa première compétition officielle disputée avec la Celeste, la Copa América 1983. L’édition de cette année-là n’a pas de pays hôte et les matchs se déroulent donc dans différents pays. Lors de la phase de poule, l’Uruguay termine en tête de son groupe avec trois victoires et une défaite en quatre matchs. Qualifiée pour les demi-finales, la Celeste y retrouve le Pérou. Au match aller, l’Uruguay s’impose 1-0 à Lima. Au match retour, à Montevideo, un match nul 1-1 assure à l’Uruguay une place en finale contre le Brésil.
La finale se disputait également en matchs aller-retour. Le match aller s’est joué en Uruguay dans un stade Centenario plein à craquer. La Celeste a montré sa « garra » et, grâce notamment à un but de Francescoli, s’est imposée 2-0. Le match retour s’est déroulé au Fonte Nova, à Salvador. Le Brésil a ouvert le score par l’intermédiaire de Jorginho en première mi-temps, mais Aguilera a égalisé en seconde période pour offrir à l’Uruguay un match nul 1-1 et le titre de champion. Il s’agissait du 12e trophée remporté par la Celeste et du tout premier pour Francescoli, qui a été énorme tout au long de la compétition. Ses performances ont suscité l’intérêt de River Plate, qui a recruté la star uruguayenne peu après la Copa.
La naissance d’une idole
La première année de Príncipe à River est irrégulière. Il alterne les bons et les mauvais moments avec l’équipe de Buenos Aires et, à l’instar de son équipe, fait une saison médiocre. Cependant, en 1984, il réalise des matchs brillants et marque de nombreux buts. Ses performances lui valent le titre de meilleur buteur du championnat argentin de cette année-là avec 24 buts, ainsi que le titre de meilleur joueur sud-américain de l’année. Il reçoit une offre de l’América de Cali (Colombie), mais préfère rester à River. L’histoire prouvera qu’il a fait le bon choix en restant en Argentine.
Son premier titre
En 1985 et 1986, Francescoli confirme tout son talent et montre aux yeux de tous qu’il est hors du commun. Il continue à marquer des buts et à réaliser des actions remarquables, ce qui lui permet de remporter le prix de meilleur joueur d’Argentine et l’idolâtrie des supporters. Francescoli atteint les sommets en janvier 1986, pendant la pause du championnat argentin, en inscrivant le but le plus célèbre et le plus beau de sa carrière : un spectaculaire retourné acrobatique lors d’un match amical électrisant contre l’équipe nationale de Pologne, que River remporte 5-4. Dans la foulée, il aide River à remporter le championnat argentin et devient une fois de plus le meilleur buteur de la compétition avec 25 buts. C’est l’apogée de Francescoli à River et l’impulsion dont il a besoin avant de disputer sa première Coupe du monde.
Sa première Coupe du monde
À l’âge de 24 ans, Francescoli est la seule star de l’Uruguay lors de la Coupe du monde 1986. La Celeste espère s’appuyer sur son statut de double championne du monde pour créer la surprise, mais elle réalise une campagne médiocre, et s’incline 1-0 en huitième de finale face à l’Argentine de Maradona. Avant cela, l’équipe s’était qualifiée en terminant parmi les meilleurs troisièmes, sans avoir gagné un seul match : 1-1 contre l’Allemagne, 0-0 face à l’Écosse et une cuisante défaite 6-1 face au Danemark. C’est lors de ce match que Francescoli a marqué son premier et unique but en Coupe du monde. L’Uruguayen déclara plus tard dans une interview au journal argentin « El Gráfico » que cette Coupe du monde a été le moment le plus embarrassant de sa carrière.
« On ne réalisait pas que l’on se ridiculisait. C’est la seule chose pour laquelle je m’excuserais auprès de tous les Uruguayens »
La Coupe du monde lui donne toutefois de la visibilité et la possibilité de jouer en Europe. Le joueur est recruté par le Racing Club de Paris, récemment promu en première division française, et fait ses valises pour la France. Le point noir de ce transfert : il n’a pas eu l’occasion de faire partie de l’équipe de River qui a remporté la première Libertadores de l’histoire du club, en 1986.
L’aventure européenne
De Paris à Marseille
Francescoli débarque à Paris pour jouer dans l’équipe la plus traditionnelle de la capitale française, qui commence à rivaliser avec le Paris Saint-Germain, fondé en 1970. L’équipe reçoit le soutien financier de la société Matra et change même de nom pour devenir Matra Racing en 1987. Francescoli continue à réaliser d’excellentes performances et est élu meilleur joueur étranger de France en 1987. Grâce à lui, le club parisien échappe à la relégation et se bat même pour les premières places du classement, mais il se rend compte qu’il est impossible de gagner quoi que ce soit, même avec l’argent de Matra. En 1989, l’Uruguayen accepte donc l’offre du champion de France en titre de l’époque, l’Olympique de Marseille, et quitte le club parisien, qui fera faillite en 1990 et perdra définitivement sa place de meilleure équipe de la capitale au profit du PSG.
A Marseille, Francescoli remporte enfin un titre : la Ligue 1, remportée brillamment par l’équipe qui comprenait, outre l’Uruguayen, le buteur Jean-Pierre Papin et des grands joueurs comme Waddle et Tigana. Pendant sa courte période à l’OM, Francescoli devient l’idole du jeune Zinédine Zidane, enchanté par le football de l’Uruguayen. L’idolâtrie était telle que, des années plus tard, Zidane donna à son fils le prénom de Francescoli : Enzo Zidane.
Son dernier Mondial
Francescoli sort d’un doublé en Copa América avec l’Uruguay en 1987, menant son équipe au titre remporté en Argentine, et d’une place de finaliste en 1989 (perdue contre le Brésil) lorsqu’il arrive en Italie pour disputer sa deuxième et dernière Coupe du Monde en 1990. La campagne de la Celeste est encore une fois irrégulière, avec une victoire 1-0 contre la Corée du Sud, un match nul 0-0 contre l’Espagne et une défaite 3-1 contre la Belgique. L’équipe réussit une nouvelle fois à se qualifier pour les huitièmes de finale en faisant partie des meilleurs troisièmes. Cependant, lors de la phase à élimination directe, l’équipe est éliminée par le pays hôte, l’Italie de Schillaci et Roberto Baggio, qui l’emporte 2-0. Ce fut le dernier match de Francescoli en Coupe du monde. Il faudra attendre 1995 pour que la star brille à nouveau sous le maillot de l’équipe nationale.
L’aventure italienne
Après la Coupe du monde 1990, Francescoli ne rentre pas en France et reste en Italie pour jouer à Cagliari. Une nouvelle fois dans un petit club, il doit tout faire pour aider l’équipe sarde à éviter la relégation en deuxième division, ce qu’il parvient à faire en organisant le jeu de son équipe et en marquant des buts importants. Lors de sa troisième saison dans le Calcio, Francescoli aide Cagliari à obtenir une surprenante sixième place en Serie A et à se qualifier pour la Coupe de l’UEFA. Avec 7 buts inscrits cette année-là, il réalise sa meilleure saison sur le sol italien. En 1993, Francescoli accepte une offre du Torino, alors vainqueur de la Coupe d’Italie.
Au Toro, Francescoli ne parvient pas à répéter les bonnes performances des années précédentes et ne remporte aucun titre, même s’il n’est pas passé loin de gagner la Coupe d’Italie, la Serie A et la Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe. À 33 ans, il sait que la fin de carrière approche, il décide alors de revenir à River Plate, son club de cœur.
Une fin de carrière faite de consécration
Lorsqu’il revient d’Europe pour jouer à River Plate, Francescoli fait l’objet de critiques, surtout dans son pays. Beaucoup doutent alors que la star de 34 ans puisse jouer un rôle important. Mais il montre rapidement qu’il a encore de beaux jours devant lui. En 1994, il finit meilleur buteur du tournoi d’ouverture et aide River à remporter un nouveau titre de champion. En 1995, il ne gagne rien avec River, mais il brille avec l’équipe nationale uruguayenne, en remportant sa troisième Copa América à domicile grâce à une victoire en finale face au Brésil, alors champion du monde en titre. Cette année-là, Francescoli est élu meilleur joueur sud-américain de l’année. La star décide de se retirer de l’équipe nationale après ce triomphe, mais reviendra pour quelques apparitions plus tard, mais sans grand éclat. Il voulait se consacrer exclusivement à son River.
Une année parfaite
Si River ne gagne rien en 1995, l’histoire allait être différente en 1996. Aux côtés de jeunes promesses comme Sorín, Ortega, Almeyda, Crespo et Gallardo, il est le maestro et le leader de l’équipe qui remporte la Copa Libertadores de cette année-là, exactement 10 ans après son premier sacre. River ne concède que deux défaites dans la compétition et bat une nouvelle fois les Colombiens de l’América de Cali en finale (2-0) dans un Monumental de Núñez plein à craquer. C’est le couronnement de Francescoli et de cette génération de pépites de River Plate. L’équipe est alors la meilleure du continent et Francescoli la plus grande idole du club. La star uruguayenne déclara plus tard que cet exploit, ainsi que le titre de la Copa América en 1995, ont été les meilleurs moments de sa carrière.
Le duel face à son fan
Dans la foulée, il remporte un autre trophée : le championnat d’ouverture argentin, avec neuf points d’avance sur son dauphin. River arrive alors plein de confiance avant le match le plus important de la saison : la Coupe intercontinentale, face à la Juventus de Del Piero, Deschamps et Zidane, le Français qui avait Francescoli comme idole. Dans l’affrontement entre Francescoli et son fan, Zizou et son équipe prennent le dessus et remportent la Coupe. River manquait l’opportunité de dépasser son rival Boca au nombre de titres mondiaux.
Triple champion d’Argentine
Après le choc de la perte de ce Mondial des clubs en 1996, Francescoli joue de nouveau un rôle décisif dans le sacre de River en Argentine, en remportant le championnat d’ouverture et le championnat de clôture en 1997. Cette année-là, River bat le record de remporter deux titres en quatre jours : la Recopa Sudamericana contre São Paulo et le Tournoi d’ouverture, après un match nul 1-1 lors du match décisif contre Argentinos Juniors, un résultat qui a assuré le titre aux « Millonarios ». En pleine période de gloire, Francescoli sait qu’il est temps de raccrocher les crampons, même si c’est douloureux.
Les adieux d’un joueur de génie
Francescoli fait ses adieux au football après une brillante saison en 1997. Le crack est accueilli avec joie et émotion dans un Monumental de Núñez plein à craquer. C’est ainsi que s’achève la carrière de l’une des plus grandes idoles de River Plate et du meilleur joueur uruguayen des années 1980 et 1990. Curieusement, après la retraite de Francescoli, River mettra longtemps à briller à nouveau dans les compétitions internationales (pas avant 2014), ne remportant que des compétitions nationales et accumulant les déceptions historiques, comme la relégation en 2011. Les performances d' »El Príncipe » ont marqué à jamais l’histoire du football. Son talent et son style de jeu ont enchanté le public des Amériques et du monde entier, faisant de lui un joueur de légende.
Son parcours professionnel en bref
Les clubs où il a joué
- Montevideo Wanderes-URU (1980-1982),
- River Plate-ARG (1983-1986 et 1994-1997),
- Racing Club Paris-FRA (1986-1989),
- Olympique de Marseille-FRA (1989-1990),
- Cagliari-ITA (1990-1993),
- Torino-ITA (1993-1994).
Palmarès
En club
- 1 Copa Libertadores da América (1996),
- 1 Supercopa de Libertadores (1997),
- 5 championnats d’Argentine (1985-1986, 1994-Apertura, 1996-Apertura, 1997-Clausura et 1997-Apertura) avec River Plate.
- 1 Championnat de France (1990) avec l’Olympique de Marseille.
Avec la sélection d’Uruguay
- 3 Copas Américas (1983, 1987 et 1995).
Les principaux titres individuels remportés par Francescoli
- FIFA 100: 2004
- Joueur sud-américain de l’année : 1984 et 1995
- Meilleur buteur du championnat argentin : 1984 (24 buts), 1985-1986 (25 buts) et 1994 (12 but)
- Joueur de l’année en Argentine : 1985 et 1995
- Meilleur joueur étranger de l’année en France : 1990
- Meilleur buteur étranger de l’histoire de River Plate
- Élu plus grand joueur de l’histoire de River Plate: 2008
- Élu dixième meilleur joueur du 20e siècle par France Football : 1999
- Meilleur buteur uruguayen de l’histoire du football argentin : 137 buts en 236 matchs
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