Les sélections de football de l’Argentine et de l’Angleterre nourrissent une rivalité depuis de nombreuses années. Une rivalité intercontinentale qu’il est rare de trouver. En effet, généralement les rivalités footballistiques existent entre pays voisins, comme par exemple entre la France et l’Italie, ou l’Argentine et le Brésil.
Bien que cette rivalité ait pour origine un match de la Coupe du Monde 1966, elle a été exacerbée par un événement qui n’a rien à voir avec le foot : la Guerre des Malouines de 1982 entre les deux pays. Elle a ensuite été amplifiée par plusieurs événements controversés, comme par exemple le but de la main de Diego Armando Maradona, « la mano de Dios » lors de la Coupe du Monde 1986.
En plus de ces événements, l’Argentine et l’Angleterre ont entretenu plusieurs conflits au cours de leur histoire, comme les invasions britanniques de Buenos Aires en 1806 et 1807, l’incident des Malouines en 1833, la Guerre du Paraná (blocus anglo-français du Río de la Plata), et enfin la Guerre des Malouines qui ont ravivé certains de ces antagonismes historiques.
Pourquoi l’Argentine et l’Angleterre ne s’aiment pas ?
Toute rivalité dans le football a un commencement. Il se passe toujours quelque chose que ce soit en lien direct ou non avec le football, qui produit cette étincelle qui peut tout faire exploser lors des confrontations futures. Les relations sportives entre l’Argentine et l’Angleterre étaient très cordiales, jusqu’à la fameuse rencontre de 1966. Ils s’étaient d’ailleurs affrontés à plusieurs reprises sans aucun souci lors de matchs amicaux ou tournois officiels.
Les relations entre les deux pays avant 1966
Le football a été introduit en Argentine par les Britanniques durant le 19e siècle. La première rencontre disputée en Argentine a vu s’opposer deux équipes britanniques : les White Caps contre les Red Caps, au Cricket Club de Buenos Aires, le 20 juin 1867.
La première ligue argentine a été fondée par un instituteur britannique en 1891, et toutes les équipes étaient initialement composées de joueurs britanniques, avant que des joueurs argentins ne commencent à se joindre à eux, en particulier au début du 20e siècle.
D’ailleurs, les noms de plusieurs équipes parmi les plus connues d’Argentine sont d’origines anglaises (comme River Plate et Newell’s Old Boys) ou ont été influencés par cette langue (comme Boca Juniors ou Quilmes Athletic Club).
Les deux sélections nationales s’étaient déjà affrontées avant le choc de 1966. L’Argentine a été la première équipe avant l’Écosse à jouer contre l’Angleterre au stade de Wembley en 1951. Ils ont également disputé deux rencontres en 1953 à Buenos Aires. Lors du premier match, qui apparaît dans la liste officielle des matchs internationaux joués par l’Argentine, l’Albiceleste s’est imposée 3-1, résultat qui est donc considéré comme la première victoire des Argentins face aux Anglais. La deuxième rencontre a été interrompue après 36 minutes de jeu à cause d’une pluie torrentielle, alors que le score était de 0-0.
L’expulsion de Ratín et la naissance de la rivalité Argentine-Angleterre
Comme nous le disions, toute rivalité dans le football a un début. Un fait ou une condition qui définit pour toujours la relation entre deux équipes et qui est à la base d’une inimitié éternelle. En général, ce sont des conflits de voisinage, lors desquels un pays cherche à être meilleur qu’un autre dans toutes les compétitions où ils se croisent.
Dans le cas de l’Argentine et de l’Angleterre, deux pays séparés par un océan, l’élément déclencheur a été particulier. Les relations footballistiques entre les deux pays étaient très cordiales jusqu’en 1966. Ils s’étaient affrontés lors de matchs amicaux et même en Coupe du Monde quatre ans auparavant, au Chili, match au terme duquel les Anglais avaient gagné 3-1.
Tout était normal, jusqu’au 23 juillet 1966, lorsque l’arbitre Rudolf Kreitlein a décidé d’expulser Antonio Ubaldo Rattin. Ce jour-là, les deux nations se sont affrontés à Wembley, pour les quarts de finale de la Coupe du Monde, organisée en Angleterre, et ce match restera marqué comme un des plus polémiques de l’histoire du foot.
Dès le début de la rencontre, on a pu voir que l’arbitrage de l’allemand Rudolf Kreitlein, qui sifflait tout en faveur du pays hôte, penchait en faveur des Anglais. À la 36e minute de jeu, le milieu de terrain et capitaine Antonio Ubaldo Rattin s’est fait expulser par Kreitlein pour avoir réclamé des décisions arbitrales.
Cependant, le joueur argentin ne voulait pas quitter la pelouse, et demandait qu’un interprète vienne sur le terrain pour pouvoir communiquer avec l’arbitre allemand, car il ne comprenait pas ce qu’il était en train de lui dire.
À noter qu’à cette époque, les cartons n’existaient pas encore pour sanctionner les infractions et les expulsions étaient indiquées d’un geste du doigt. Près de 10 minutes se sont écoulées durant lesquelles tous les joueurs argentins réclamaient auprès de l’arbitre, tandis que Rattín refusait de quitter la pelouse.
Finalement, à la 47e minute, le joueur a fini par sortir, en faisant quasiment tout le tour du terrain en même temps qu’il faisait des signes en direction de la tribune comme pour dire :« Vous l’avez payé combien ? ». Les supporters anglais criaient alors “¡Off, Off!”.
L’image qui allait suivre allait finir par faire le tour du monde : alors qu’il était au niveau du point de corner, Antonio Rattín a froissé le drapeau de corner, qui portait le drapeau britannique, et s’est assis sur un tapis rouge, symbole de la reine Elizabeth II, dans un coin du terrain.
Cela a attisé la colère de tous les supporters anglais qui hurlaient contre le joueur, et même de l’entraîneur anglais, Alf Ramsey, qui a qualifié les Argentins d’animaux.
Le match a repris, et après une première période qui a duré 55 minutes, Geoff Hurst, l’attaquant de West Ham United a inscrit de la tête le seul but du match, à 12 minutes de la fin, donnant ainsi la victoire à l’équipe de la Reine, qui finira par se sacrer championne du monde.
À la fin du match, l’arbitre central, Rudolf Kreitlein a déclaré que l’expulsion d’Antonio Rattin avait été : « Pour sa mauvaise façon de regarder », une décision considérée aujourd’hui encore comme polémique et qui a donné lieu à une des plus grandes rivalités de la Coupe du Monde de Football.
La création des cartons jaunes et rouges
L’expulsion d’Antonio Rattin en 1966 a marqué un avant et un après dans l’arbitrage. Jusqu’à la Coupe du Monde en Angleterre, les arbitres expulsaient les joueurs avec des gestes et des mots. Du fait la confusion qui a eu lieu entre l’arbitre allemand Rudolf Kreitlein et le capitaine argentin, la FIFA a jugé nécessaire d’incorporer un élément qui indiquerait qu’un joueur a été exclu.
Cette même année, lors d’un voyage en voiture, l’arbitre anglais Ken Aston a trouvé la solution alors qu’il était arrêté à un feu tricolore : jaune = attention, rouge = interdiction. Lorsqu’il en a parlé à sa femme, elle lui a confectionné des cartons rectangulaires en papier qui tenaient dans une poche. Aston a proposé cette solution à la Commission des Arbitres de la FIFA, dont il était membre, et son idée a été acceptée et mise en place à partir du Mondial suivant, au Mexique en 1970.
Le contexte de la Guerre des Malouines
Après des matches amicaux en 1974, 1977 et 1980, qui n’ont présenté aucun signe particulier de rivalité, le match entre les deux équipes en compétition officielle qui a suivi a eu lieu lors de la Coupe du Monde au Mexique, le 22 juin 1986, une nouvelle fois en quart de finale.
La rencontre, disputée au Estadio Azteca, à Mexico était particulièrement incendiaire du fait de la guerre des Malouines menée par les deux pays quatre ans auparavant seulement, et beaucoup d’Argentins voyaient dans ce match une occasion de se venger de l’Angleterre pour avoir perdu le conflit.
La Mano de Dios
Lors de cette rencontre, Diego Maradona a inscrit deux des buts les plus mémorables de l’histoire de la Coupe du Monde. Le premier a été inscrit de la main à la 51e minute de jeu, ce qui a provoqué la furie des joueurs et des supporters anglais. Ce but, connu comme « la main de Dieu » est devenu célèbre en Angleterre, car les Three Lions ont perdu la rencontre, et l’Argentine a fini par remporter la compétition.
Le deuxième but a été inscrit quatre minutes après. Maradona est parti du milieu de terrain et a dribblé cinq joueurs anglais : Peter Beardsley, Peter Reid, Terry Butcher, à deux reprises, Terry Fenwick, et enfin, le gardien Peter Shilton avant de pousser le ballon au fond des filets.
Gary Lineker a ensuite réduit la marque de la tête à la 81e minute de jeu, portant le score à 2-1 en faveur de la sélection argentine.
Malgré la beauté de son deuxième but, Maradona a écrit dans son autobiographie : « parfois je pense que je préfère le but de la main… c’était un peu comme voler le portefeuille d’un anglais ». Il a aussi écrit, en référence au conflit des Malouines : « c’est comme si on avait frappé tout un pays, pas seulement une équipe de football… Même si nous avions dit avant le match de football que cela n’avait rien à voir avec la guerre des Malouines, nous savions qu’ils avaient tué de nombreux jeunes argentins là-bas, nous les avons tué comme des petits oiseaux. Et cela a été notre vengeance ».
Aujourd’hui encore, les joueurs et les supporters argentins rendent hommage chaque année aux soldats morts durant cette Guerre des Malouines, et pour eux « Las Malvinas son Argentinas ».
Depuis, lors de chaque confrontation entre les deux pays, il est inévitable de faire référence à cette mano de Dios.
L’expulsion de Beckham en Coupe du Monde 1998
Après avoir disputé un match amical, le 25 mai 1998, à Wembley, match qui s’est terminé sur un match nul 2-2, les deux équipes se sont retrouvées en 16e de finale de la Coupe du Monde 1998, à Saint-Etienne.
Face à une équipe d’Angleterre considérée comme une des meilleures de l’histoire du pays, l’Argentine s’est imposée aux tirs au but 4-3, après avoir fait match nul 2-2 à la fin du temps réglementaire.
On se souvient de ce match notamment pour l’expulsion de David Beckham, qui après avoir été bousculé par Diego Simeone, lui a mis un petit coup qui n’a pas échappé à l’arbitre.
Malgré l’infériorité numérique, l’Angleterre a bien résisté aux attaques argentines, et dans les derniers instants du match, a même cru avoir inscrit le but de la victoire lorsque sur corner, Sol Campbell a placé un coup de tête qui a fini au fond des filets. Mais alors que les joueurs célébraient le but, l’arbitre a signalé une faute de Shearer sur le gardien Roa.
La décision s’est donc disputée aux tirs au but, où le gardien Roa a été héroïque en arrêtant deux tirs anglais.
Immédiatement après le match, Beckham a été pris en grippe par la presse anglaise. Le lendemain, le Daily Mirror titrait : « 10 lions héroïques, un seul enfant stupide ». On notera également le talent théâtral de Diego Simeone.
La Coupe du Monde 2002
En 2000, les deux équipes ont disputé un nouveau match amical, une nouvelle fois à Wembley, qui s’est terminé sur un 0-0. Puis en 2002, les deux équipes se sont retrouvées lors de la Coupe du Monde, qui s’est disputée au Japon et en Corée du Sud.
Après avoir été éliminé par l’Argentine lors de deux des trois précédentes Coupes du monde auxquelles elle avait participé, la tension était forte en Angleterre. D’autant plus que l’Angleterre avait fait match nul lors de sa première rencontre contre la Suède, du coup elle avait besoin de faire un bon résultat contre l’Argentine pour ne pas être éliminée.
David Beckham, qui était alors capitaine de l’Angleterre, a marqué le seul but du match, sur penalty, suite à une faute de Mauricio Pochettino sur Michael Owen. Ce but lui a permis de se racheter aux yeux des supporters anglais, après son rouge lors du Mondial 98.
L’Argentine, qui faisait partie des favoris pour remporter le tournoi a été éliminée dès le premier tour. Même si les joueurs et les supporters argentins ont critiqué l’arbitrage suite au penalty accordé aux Anglais, le match s’est plutôt bien passé, et bien que la rencontre était compétitive, il n’y avait pas cette rancoeur comme lors des rencontres de 1966, 1986 et 1998.
Verón le « traitre »
Les supporters ont bien sûr été extrêmement déçus de cette défaite puis du match nul qui a suivi contre la Suède. Une nouvelle controverse a alors surgi parmi les supporters à la suite du match, en disant que le capitaine Juan Sebastián Verón avait volontairement baissé le pied parce qu’il devait ensuite retourner en Angleterre où il jouait, à Manchester United.
Les matchs entre clubs anglais et argentins
Les clubs argentins et anglais n’ont pas eu beaucoup d’opportunités de s’affronter, mais quand ils l’ont fait, il y a eu quelques incidents notables. Les matchs les plus mémorables ont eu lieu en Coupe Intercontinentale (qui n’existe plus).
En 1968, Estudiantes de La Plata a joué contre Manchester United pour remporter ce trophée. Le club argentin a remporté le match aller 1-0 à la Bombonera (Buenos Aires) grâce à un but de Marcos Conigliaro. Le match retour, disputé à Old Trafford (Manchester) s’est conclu sur un match nul 1-1, avec Juan Ramón Verón qui a ouvert le score dès la sixième minute pour Estudiantes, et Willie Morgan qui a égalisé à la 90e minute pour Manchester United.
Estudiantes s’est imposé sur le score cumulé de 2-1 et a ainsi remporter sa première Coupe intercontinentale. À noter que les deux matchs ont été rugueux avec des cartons rouges et des blessures lors des deux rencontres.
Neuf ans plus tard, en 1977, Liverpool a refusé de jouer contre Boca Juniors, du coup Boca a joué contre le vice-champion d’Europe, le Borussia Mönchengladbach, et a remporté sa première Coupe Intercontinentale. En 1978, la Coupe intercontinentale ne fut même pas disputée pour un « problème de calendrier » de Liverpool.
En 1984, Independiente et Liverpool se sont affrontés pour la Coupe qui avait alors été rebaptisée « Copa Toyota Intercontinental ». Le format aussi avait changé avec une finale unique qui se disputerait au Japon. Independiente s’est alors imposé 1-0 grâce à un but de José Percudani.
La rencontre la plus récente entre clubs anglais et argentins s’est disputée lors de la Coupe de la paix (Peace Cup) 2007, entre River Plate et Reading FC, avec une victoire 1-0 du club de Buenos Aires, grâce un joli but sur coup franc de Abelairas.
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