AccueilBrésilRoberto Dinamite, l'idole de Vasco

Roberto Dinamite, l’idole de Vasco

Il est difficile de se faire à l’idée que Vasco a fait ses adieux à Roberto Dinamite, car un joueur si grand qu’il est devenu synonyme du club qu’il a défendu avec tant de brio et de hargne, et un professionnel si charismatique qu’il inspirait respect et admiration même à ses adversaires, est éternel. Le club de São Januário était sa vie, symbolisée non seulement par son nombre record de matchs et de buts, mais aussi par son lien inextricable avec les supporters. Attaquant complet, géant du football brésilien, Roberto est décédé ce dimanche 8 janvier 2023 à l’âge de 68 ans, après une longue bataille contre un cancer de l’intestin.

Dinamite, le buteur explosif !

En 1971, un jeune joueur de 17 ans a montré que le mot « dynamite » pouvait être utilisé pour décrire l’action d’un être humain qui déclenche une lourde frappe. En novembre de cette année-là, il a dribblé quatre joueurs avant d’envoyer un pétard du pied droit qui n’a laissé aucune chance au gardien. Tout le monde était stupéfait. Le lendemain, le journal Jornal dos Sports immortalisait l’exploit avec un grand titre : “Garôto dinamite explodiu” (Le garçon dynamite a explosé). Il a explosé au Maracana et est devenu le plus gros explosif de Vasco dans l’histoire du championnat carioca. Le plus gros de l’histoire du championnat brésilien. Le plus gros de l’histoire du stade São Januário.

Il s’agissait d’un type d’explosif qui ne causait pas de dégâts matériels, mais qui faisait des ravages devant les buts. Il a marqué énormément de buts, et de toutes les sortes. Pendant plus de deux décennies, il a résonné dans les stades de tout le Brésil et même du monde entier. Carlos Roberto de Oliveira était de la dynamite à l’état pur. C’était Roberto Dinamite, le plus grand buteur de l’histoire de Vasco et l’un des attaquants les plus remarquables que le Brésil ait jamais connu. Avec des statistiques individuelles remarquables, il est une légende qui a toujours été dévoué à la croix de malte, sa bannière. On revient sur la carrière du « garôto-dinamite ».

L’enfance de Calu

Né à Duque de Caxias, dans la Baixada Fluminense, fils d’un fonctionnaire et d’une femme au foyer, Roberto grandit avec le football à sa porte. En effet, un terrain de foot se trouve juste devant sa maison. Il adore jouer au ballon, mais sa passion est presque interrompue par les problèmes de santé dont il souffre jusqu’à l’âge de 12 ans. D’apparence frêle, Roberto subit deux opérations aux jambes et pense même qu’il ne pourra plus jamais jouer au football.

« C’est un miracle. Un miracle parce que, quand j’avais sept ou huit ans, j’ai été pratiquement cloué au lit pendant trois mois, j’ai dû être opéré d’une tumeur à la cuisse et on m’a mis un plâtre sur toute la jambe gauche, la taille et l’autre jambe, et ce traditionnel manche à balai au milieu. Je suis resté trois mois au lit, assisté par ma mère, et j’étais très maigre. Un enfant qui jusqu’à l’âge de sept ans a eu beaucoup de problèmes. À sept ans j’avais un sérieux problème à la jambe gauche. À 12 ans j’avais un autre problème à la jambe gauche. Je crois que nous venons dans ce monde avec une mission, nous pouvons nous améliorer ou non, et je pense que j’ai été privilégié. »

Roberto Dinamite, dans une interview accordée à SporTV, le 12 avril 2014.

Après avoir été plâtré pendant des mois, sa mère lui interdit de jouer au football. Mais comme il connaît le coin de la fenêtre d’où l’on peut voir le terrain devant sa maison, il joue en cachette. Le temps passe et le plus jeune des trois frères réussit à obtenir une place à São Bento, un club de Duque de Caxias, où son père jouait comme gardien de but. Là, il commence à se faire remarquer par sa capacité à marquer des buts, mais aussi par son caractère très « individualiste ». Il ne pense qu’à marquer. Calu, comme il était surnommé à l’époque, gagne en puissance et ne ressemble en rien au garçon fragile des années antérieures. À l’âge de 13 ans, il fait déjà preuve d’une habileté remarquable sur les tirs de l’intérieur et de l’extérieur de la surface et d’une précision chirurgicale des deux pieds. Sur le terrain, il s’inspire de son idole Jairzinho, « l’ouragan de la Coupe du monde 1970 ».

Roberto Dinamite lorsqu'il était jeune

Ses bonnes performances avec São Bento tapent dans l’œil de Francisco de Souza Ferreira, dit Gradim, recruteur de Vasco, qui fait en sorte que le jeune adolescent, alors âgé de 14 ans, rejoigne le centre de formation du Cruzmaltino. Après avoir passé les tests avec succès, il commence à prendre deux bus chaque jour pour aller et pour rentrer des entraînements. Tous ces efforts finissent par payer. Roberto gagne environ 15 kg de masse musculaire et, à l’âge de 16 ans, il est déjà le meilleur buteur des équipes de jeunes. Dès sa première année, il inscrit déjà 46 buts ! Grand et fort, Roberto est une pépite à polir. En 1971, il est appelé avec l’équipe première. À ce moment-là, il compte déjà des dizaines de buts à son actif et possède un ensemble de caractéristiques qui font de lui un buteur né : un bon jeu de tête, fort dans les duels, un bon positionnement, une bonne impulsion et des tirs précis et dévastateurs.

Calu devient le garoto-dinamite

Lors des séances d’entraînement, Roberto se fait de plus en plus remarquer et ce n’est qu’une question de temps avant qu’il n’obtienne une chance de jouer avec l’équipe première. En 1971, lors d’un déplacement à Bahia, l’entraîneur Admildo Chirol fait entrer le jeune attaquant face au tricolor. Roberto avait alors déjà un surnom inventé par les journalistes Eliomário Valente et Aparício Pires, qui avaient suivi les premiers pas du jeune joueur avec l’équipe de jeunes de Vasco : garôto-dinamite (que l’on peut traduire par : le gamin dynamite). Ce surnom a été mis en avant un jour avant le match qui a suivi, contre l’Atlético-MG, avec le Jornal dos Sports qui a souligné : « Vasco titularise le gamin-dynamite ». Cependant, face à une telle pression, le jeune joueur n’a pas répondu aux attentes et a été remplacé lors de la défaite 2-1 de Vasco. Les véritables grands débuts de celui que l’on appelait le garôto-dinamite allaient avoir lieu le 25 novembre 1971, au Maracanã, contre l’Internacional.

Des débuts prometteurs

Roberto retrouve le banc des remplaçants pour le match contre l’Inter. Impatient, il a hâte d’entrer en jeu pour montrer sa véritable valeur. Les supporters de Vasco sont présents en masse au Maracanã. C’était l’occasion rêvée pour marquer son premier but. Et alors que Vasco menait déjà 1-0 en seconde période, le jeune joueur est appelé pour s’échauffer, puis il est entré en jeu. Sur son premier ballon, il élimine trois joueurs, dribble Pontes et déclenche une frappe qui ne laisse aucune chance au gardien Gainete : 2-0 pour Vasco. C’était le premier but de Dinamite avec l’équipe professionnelle. Les supporters étaient euphoriques, tout comme Roberto, qui ne savait pas comment le célébrer tellement il était heureux. Le lendemain, le Jornal dos Sports publiait ce gros titre :

GARÔTO-DINAMITE EXPLODIU

Jurema Crispim, la femme de sa vie

Suite à cela, Roberto ne serait plus jamais Calu. Et il ne serait plus seulement Roberto. À partir de ce jour, il est devenu Roberto Dinamite. Malgré ce premier golaço, Dinamite continue à évoluer progressivement. Il continue à faire des heures de bus jusqu’au centre d’entraînement de Vasco pour mûrir et ne pas être ébloui par ce succès soudain. C’est à ce moment-là, plus précisément en 1972, dans un bus qui reliait Caxias à Praça Mauá, que Roberto a rencontré Jurema Crispim, 24 ans, de six ans son aîné.

Cette année-là, ils entament une histoire d’amour intense et une union qui se répercutera directement sur la vie footballistique de l’attaquant. Jurema sera la compagne, l’amie et même la « manager » de la star, faisant preuve de beaucoup de fermeté et de courage dans un environnement aussi hostile pour les femmes à l’époque. Le début de l’idylle est compliqué pour lui, car sa famille s’oppose à cette relation du fait que Jurema était veuve et avait un fils. Malgré tout, Dinamite a poursuivi la relation. Même les supporters de Vasco s’en mêlaient, mais il s’en fichait. Sur le terrain, il répondait avec des buts.

Meilleur buteur et champion du Brésil

En 1974, alors titulaire indiscutable, il marque 16 buts, est pour la première fois meilleur buteur du championnat du Brésil et joue un rôle clé dans le parcours du Cruzmaltino vers le titre national, le premier de l’histoire du club. En phase finale, Dinamite marque lors de la victoire 2-1 contre Santos (qui comptait encore Pelé dans ses rangs), et un autre lors du match nul 2-2 contre Internacional. Lors de la finale, contre Cruzeiro, il ne marque pas, mais joue un rôle important dans la victoire 2-1 qui a donné le titre à l’équipe carioca. C’était le premier titre de Roberto pour Vasco. Et la consécration d’une promesse devenue idole.

« C’était le début de tout, y compris de ma place de titulaire dans l’équipe. Gagner le Brasileirão en 1974 m’a donné la confiance dont j’avais besoin pour poursuivre ma carrière et arriver là où j’en suis aujourd’hui. Techniquement, Cruzeiro était meilleur, mais nous avons tout surmonté avec beaucoup de détermination et de discipline. Cela a également servi d’exemple pour toute ma carrière ».

Roberto Dinamite, dans une interview accordée au site NetVasco, août 2013.

L’homme des clássicos

Dinamite montre chaque jour une évolution remarquable. Il se positionne bien, tire des coups francs avec précision, ne perd quasiment aucun duel. Il est puissant et difficile à marquer. Lorsqu’il reçoit le ballon, il le protège à merveille et parvient toujours à trouver la voie du but. Comme si cela ne suffisait pas, il aime marquer des buts dans les clássicos, notamment contre Fluminense, qui commençait alors à bâtir sa légendaire Máquina Tricolor. Rien qu’entre décembre 1973 et août 1976, Roberto inscrit 9 buts en 15 matchs entre Vasco et le Tricolor. Aujourd’hui encore, il est le meilleur buteur de l’histoire du Clássico dos Gigantes avec 36 buts. Outre le Flu, il a également fait des dégâts contre Flamengo et Botafogo, contre qui il a inscrit respectivement 27 et 25 buts. Il est également le meilleur buteur de l’histoire de ces deux clássicos.

Une crise émotionnelle qui a failli virer au drame

En 1975, Dinamite vit un moment compliqué en dehors du terrain. Lors d’une journée d’entraînement à Vasco, son père s’est disputé avec le frère de Jurema et c’est uniquement parce qu’on l’a empêché qu’il ne l’a pas frappé. Dinamite souffre alors de cette situation. Gardant tout pour lui, il est rentré chez lui et a pris les pilules que Jurema avait laissées sur la table de chevet. Il en a pris une vingtaine pour essayer de dormir et de se déconnecter du monde, comme il l’a confié au magazine Placar en 1984.

« Je gardais pour moi cette angoisse (…) Et j’ai pris une forte dose de tranquillisant, mais je n’avais pas l’intention de me suicider, comme certains l’ont dit. Je voulais dormir pendant deux jours d’affilée pour me déconnecter du monde. »

Roberto Dinamite, lors d’une interview pour le magazine Placar, 21 septembre 1984.

Le problème est qu’une telle dose est exagérée et composée de Gardenal et de Librium. L’attaquant a été retrouvé inconscient par Jurema qui a immédiatement appelé un médecin de Vasco. Roberto est transporté à l’hôpital et reste aux soins intensifs pendant environ six heures pour des lavages d’estomac et l’administration de médicaments pour activer les fonctions cardiaques et respiratoires. Cinq jours plus tard, il quitte l’hôpital sain et sauf. À partir de ce jour, Jurema a essayé de gagner une fois pour toutes la sympathie de la famille de Roberto et de protéger l’être aimé de tout et de tous. Elle a « conquis » la mère et les frères de la star, à l’exception de son père, José Maia de Oliveira, qui était totalement opposé à ce mariage.

Cela provoqua un éloignement entre le père et le fils et fait que Roberto n’était pas « totalement heureux », comme le disait Jurema, car la figure paternelle lui manquait dans une période cruciale de sa carrière. Cette même année, Roberto a fêté son 21e anniversaire avec sa famille et plus de 100 amis, une fête très spéciale pour le jeune homme, qui a rétribué cela en marquant plus de 50 buts pour Vasco, dont 15 dans le Brasileiro, lors duquel il a terminé deuxième meilleur buteur derrière Flavio, de l’Inter, qui en a marqué 16.

Une première convocation avec la Seleção

Tous ces buts conduisent Roberto à la sélection brésilienne, pour laquelle il est convoqué pour la première fois en 1975, pour disputer la Copa América (le Brésil s’est incliné en demi-finale). L’année suivante, il reste dans le groupe, et est appelé pour disputer le tournoi de la Coupe du bicentenaire aux États-Unis, durant lequel il inscrit son premier but avec la Seleção, lors d’une victoire 1-0 contre l’Angleterre. Toujours dans la compétition, il marque un but magnifique lors de la victoire 4-1 face à l’Italie et permet au Brésil de remporter le titre.

Jouant à la même époque que des grands noms comme Zico, Rivellino, Toninho Cerezo, Zé Maria, Leão, Edinho et Rodrigues Neto, pour n’en citer que certains, Roberto et les supporters brésiliens étaient sûrs que le Brésil pouvait gagner la Coupe du monde 1978 en Argentine (en 1974, il n’a pas été convoqué).

Les espoirs placés en l’attaquant ont continué à grandir en 1976, non seulement pour les buts marqués avec la Canarinha (dont un doublé contre le Paraguay) mais aussi pour cette merveille réalisée contre Botafogo, en finale de la Taça Guanabara 1976 :

Ce but est considéré par beaucoup comme le plus beau de la carrière du joueur. Dinamite était de plus en plus létal. Il avait une moyenne de près de 0,7 but par match. Avant la Coupe du monde, Roberto a aidé Vasco à remporter le championnat carioca de 1977, en marquant le tir au but décisif contre Flamengo en finale. Lors de cette campagne, Roberto avait déjà inscrit deux buts lors de la victoire 3-0 lors de la première phase du championnat. En tout, il inscrit 25 buts et n’est devancé que par Zico, qui en a marqué 27. Après avoir fêté le titre, il fallait déjà tourner le regard vers le Mondial en Argentine.

La Coupe du monde 1978 en Argentine

À l’âge d’or du football brésilien, gagner une place de titulaire au sein de la Seleção n’est pas une mince affaire. La concurrence est rude et l’équipe de Claudio Coutinho doit choisir entre trois joueurs pour une même position : Reinaldo, Nunes et Roberto Dinamite. « Rien que ça. » Dans l’ordre de préférence de l’entraîneur, le Roi est en tête, suivi de Nunes et Dinamite complète le podium. Cependant, ce dernier a gravi un échelon lorsque Nunes s’est blessé et s’est retrouvé sur la touche, ce qui a permis à Dinamite d’être appelé pour disputer la Coupe du monde.

La première phase de poule

Le Brésil fait partie des favoris avec des grands noms comme Leão, Oscar, Rodrigues Neto, Cerezo, Gil, Zico, Dirceu et compagnie. Lors des deux premiers matchs, contre la Suède et l’Espagne, la Seleção fait match nul 1-1 et 0-0. Roberto ne dispute aucune minute et voit l’attaquant Reinaldo marquer lors du premier match, mais faire choux blanc face aux Espagnols. Face au besoin impératif de s’imposer lors du dernier match de groupe contre l’Autriche, Coutinho décide de titulariser Roberto. Et le numéro 20 de la Seleção de déçoit pas. Après une superbe passe de Gil dans la surface, Dinamite domine le ballon avec classe et fusille le gardien Koncilia : 1-0. Le Brésil est qualifié !

La deuxième phase

La deuxième phase se joue en deux groupes de quatre équipes, avec les premiers de chaque groupe qui gagnent une place pour la finale. Dinamite est titulaire face au Pérou et est déterminant dans la victoire brésilienne par 3-0. Il est d’abord victime d’une faute à l’entrée de la surface, qui a permis à Dirceu d’ouvrir le score. Puis, en seconde période, il se fait faucher dans la surface par Duarte, provoquant un penalty que Zico a transformé.

Lors du match suivant, le Brésil et l’Argentine se neutralisent sur un score nul et vierge. Et, lors du dernier match de cette phase finale, le Brésil l’emporte 3-1 contre la Pologne, grâce notamment à une performance de gala de Roberto, qui réalise un doublé grâce à son opportunisme habituel, en se retrouvant à la tombée de deux ballons qui ont touché le poteau. Dinamite était un véritable aimant à ballons !

Dinamite avec le maillot de la Seleção
Dinamite avec le maillot de la Seleção

A ce momebt-là, le Brésil est quasiment qualifié pour la finale, car seule une victoire avec plus de quatre buts d’écart de l’Argentine face au Pérou pouvait mettre fin au rêve du « tetra ». Sauf que l’Albiceleste a gagné sur le score incroyable de 6-0, s’est qualifié pour la finale et a fini par remporter le titre. Cela a été une énorme déception pour les Brésiliens, qui ont ensuite dû jouer la petite finale contre l’Italie (victoire 2-1) et se sont proclamés « champions moraux », en raison du fait que le Brésil a terminé la compétition invaincu et des soupçons de truquage lors de la rencontre entre le Pérou et l’Argentine.

Malgré tout cela, Roberto gagne des points lors de cette Coupe du monde. Il finit meilleur buteur de l’équipe aux côtés de Dirceu, avec trois buts, et gagne la place de Reinaldo. Il n’a pas fallu longtemps pour qu’un club étranger vienne solliciter les services du joueur.

Un passage frustrant à Barcelone

En plus de disputer la première Coupe de sa carrière en 1978, Roberto est pour la première fois meilleur buteur du championnat carioca, avec 19 buts. Vasco ne remporte pas le trophée, mais la façon dont il mène les actions offensives de l’équipe est impressionnante. Numéro 10 et capitaine depuis 1975, l’attaquant est le leader de l’équipe et l’idole des supporters.

Roberto Dinamite avec les couleurs de Barcelone

Cependant, à la fin de l’année 1979, la convoitise dont il fait l’objet ne laisse pas d’autre choix à Vasco que de vendre son joueur vedette. Barcelone voulait un attaquant pour remplacer l’Autrichien Hans Krankl, qui s’était brouillé avec l’entraîneur catalan de l’époque, Joaquín Rifé. Dinamite est ainsi recruté en échange de 56 millions de pesetas, une fortune à l’époque. Il part le cœur brisé. Il aime vraiment Vasco. Pour ses débuts, il réalise un doublé et enflamme les supporters catalans. Mais cela ne dure pas, car peu après sa signature, l’équipe engage l’entraîneur Helenio Herrera et l’attaquant brésilien finit par être mis de côté par l’Argentin.

« Herrera n’a jamais aimé les joueurs sud-américains parce qu’il a eu un très gros traumatisme avec le Santos de Pelé, à l’époque où il entraînait l’Inter Milan« , avait déclaré Roberto. Le climat est un autre facteur qui influence sa volonté de départ. Il est arrivé en début d’année, en plein hiver. Les jours nuageux et pluvieux contrastaient beaucoup avec la chaleur à laquelle il est habitué à Rio.

Après quatre mois, des rumeurs indiquent déjà que Dinamite pourrait retourner au Brésil. A la surprise générale, Flamengo évoque la possibilité d’aller chercher le joueur. Une conversation a même lieu entre le président du club rubro-negro et la direction catalane. Cela finit par arriver aux oreilles de Vasco, qui n’hésite pas un seul instant à faire revenir son attaquant. Du coup, avant même la fin du premier semestre, Roberto portait déjà à nouveau le maillot vascaino. Il a disputé son premier match après son retour sur la pelouse de Náutico, mais sa nostalgie n’a été comblée que devant les supporters. Il avait besoin de buts, de chaleur, du Maracanã.

Un retour triomphal

Manchete Esportiva : "Dinamite est revenu"
Manchete Esportiva : « Dinamite est revenu »

Le 4 mai 1980, plus de 100 000 personnes ont rempli les tribunes du Maracanã pour la rencontre entre Vasco et le Corinthians dans le cadre du championnat brésilien. C’était le retour « officiel » de Dinamite dans le temple du football, dans son club et dans la compétition dans laquelle il aimait le plus marquer des buts. Vous imaginez l’enthousiasme d’un attaquant qui ne marquait plus depuis des mois lorsqu’il a vu les tribunes bondées au Maraca.

Roberto réalise alors le meilleur match de sa carrière et détruit l’équipe paulista. Il marque un but tout en puissance, un deuxième sur un tir de l’extérieur de la surface, un troisième après une jolie passe en profondeur de Guina, un quatrième en se retrouvant à la retombée d’un ballon repoussé par le gardien et enfin un cinquième but, après une feinte de frappe avant de déclencher un missile qui termine dans la lucarne de Jairo. Roberto a réalisé un quintuplé ! Roberto Dinamite 5, Corinthians 2.

Ce jour-là, le Maracanã a vu la résurrection de l’un de ses plus grands buteurs.

« Il y a des joueurs qui marquent cinq buts dans un match, mais c’est contre Madureira, Campo Grande… J’ai marqué cinq buts contre le Corinthians, non ? Je venais de quitter Barcelone et j’étais devenu une interrogation. Qui est ce joueur qui est venu du Brésil en tant que buteur, idole et qui n’a pas réussi ? […] Le problème ce n’était pas moi ! »

Roberto Dinamite, dans une interview accordée à UOL Esporte, le 12 décembre 2017.

Une année record

Le retour de Dinamite à Vasco est tout simplement magique. En 1981, il signe la saison la plus prolifique de sa carrière, avec un nombre absurde de 62 buts inscrits dans l’année, dont 31 dans le championnat carioca (meilleur buteur) et 14 dans le Brasileirão. Cette année-là, il termine meilleur buteur du Brésil devant Zico, qui traversait une phase splendide avec sa super équipe de Flamengo.

Roberto Dinamite et Zico
Roberto Dinamite et Zico

Dans le championnat carioca, on assiste à un duel à distance entre Dinamite et le Galinho. Après les trois premiers tours, les deux équipes se retrouvent en finale et Vasco doit gagner trois matchs contre Flamengo pour être champion, vu que le rubro-negro avait gagné deux tours et les cruzmaltinos un seul. C’était un règlement absurde du passé sombre du football brésilien de l’époque. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

Dans la première confrontation. Roberto Dinamite réalise un doublé et donne à Vasco sa première victoire : 2-0. Lors du second match, trois jours plus tard, sous une pluie torrentielle, alors que le score était de 0-0 à la 88e minute et que les supporters flamenguistas criaient déjà « on est champion ! », Roberto voit le ballon tomber dans une flaque d’eau dans la surface et déclenche une bombe qui explose dans le but flamenguista : 1-0. Vasco est toujours dans la course pour le titre ! Avant la rencontre, Zico avait déclaré que Flamengo perdrait « difficilement » deux clássicos d’affilée. C’est pourtant ce qu’il s’est passé ! Ce n’est que lors de la dernière confrontation que le Fla a fini par l’emporter 2-1. Et, grâce au règlement, ils ont remporté le titre. Mais ces victoires ont malgré tout marqué Roberto tout comme les supporters de Vasco.

La frustration de la Coupe du monde 1982

En 1982, Roberto est appelé pour disputer la Coupe du monde en Espagne, cette fois en remplacement de Careca, blessé. Tout comme en 1978, il n’est pas le favori du sélectionneur de l’époque, Telê Santana, qui titularise plutôt Serginho Chulapa. Bien qu’il était en grande forme, Roberto voit depuis le banc le Brésil se faire éliminer par l’Italie au terme d’un match mythique qui est resté connu sous le nom de « la Tragédie du Sarriá ». Roberto n’a pas disputé la moindre minute, même s’il était meilleur que Serginho à ce moment-là. Connaissant son flair devant les buts, et servi par Zico, Éder et Sócrates, il aurait pu faire de sérieux dégâts dans les défenses adverses.

« Ma plus grande frustration a été celle de 1982, de faire partie d’un groupe et de ne pas être utilisé, de ne pas avoir servi au sein d’une sélection dont tout le monde parle, qui était l’une des meilleures. Je suis parti frustré parce que je n’ai pas eu l’occasion de jouer ».

Roberto Dinamite, dans une interview accordée à SporTV News, le 12 avril 2014.

Cette Coupe du monde a été la dernière du joueur, mais il continuera à être convoqué avec la Seleção jusqu’en 1984. Au total, il a disputé 47 matchs et marqué 26 buts pour le Brésil, mais n’a remporté aucun trophée majeur.

En novembre 1982, la star a inscrit le 500e but de sa carrière lors d’un match nul 1-1 contre Volta Redonda dans le championnat carioca, que Vasco finira par remporter.

La perte de sa bien-aimé

Roberto Dinamite avec sa femme Jurema
Roberto Dinamite avec sa femme Jurema

En 1984, Roberto conduit Vasco à une autre finale du championnat brésilien, en terminant meilleur buteur de la compétition pour la deuxième fois de sa carrière, avec 16 buts inscrits. En finale, son équipe s’incline contre Fluminense de Washington et Assis, mais cette défaite n’était rien par rapport ce qu’il s’apprêtait à vivre. En effet, il a perdu la personne qui l’a accompagné pendant plus de 12 ans, qui a été son port d’attache, son agent, sa muse et la mère de ses deux enfants : Jurema. Elle est décédée d’une maladie rénale après avoir été sous hémodialyse pendant un an et demi depuis que ses reins ont cessé de fonctionner. Alors qu’ils recherchaient un donneur pour une greffe, Roberto a offert son rein, une centaine de supporters de Vasco ont offert les leurs, mais toutes les tentatives ont été vaines. Ce fut l’un des plus grands drames de la vie du joueur.

L’émergence de cracks

Dinamite fait en sorte de rapidement se remettre sur pied et de faire ce que sa cher Jurema aimait tant : qu’il joue au football et marque des buts. En 1985, il est à nouveau meilleur buteur du Carioca, cette fois avec 12 buts. Il parvient à préserver sa place de titulaire en attaque et voit émerger une nouvelle génération de cracks à São Januário. Parmi eux, un certain Romário… Et oui, les supporters de Vasco ont eu le plaisir et la joie de voir une paire d’attaquants formée par Roberto Dinamite et le baixinho lors du championnat carioca 1987.

Dinamite avec Romario, Geovani, Tita et Mauricinho
Dinamite avec Romario, Geovani, Tita et Mauricinho

Avec cette nouvelle génération mélangée aux plus anciens, l’équipe inscrit un nombre incroyable de 61 buts en 31 matchs et ses attaquants monopolisent les premières places du classement des buteurs : Romário a marqué 16 buts, Roberto, 15, et Tita, 12. L’année suivante, l’équipe cruzmaltina brille à nouveau et remporte le championnat pour la deuxième année consécutive. Outre les conquêtes régionales, l’équipe s’illustre également dans des tournées internationales et remporte les tournois Ramón de Carranza en 1987, 1988 et 1989.

Un départ à la Portuguesa avant de raccrocher les crampons

En 1989, le désormais vétéran de 35 ans perd sa place à Vasco. Bebeto vient d’arriver de Flamengo et Bismarck cartonne. Il accepte alors l’invitation de la Portuguesa, dirigé par son vieil ami Antonio Lopes, pour disputer le championnat brésilien. Avec neuf buts inscrits, il aide la Lusa à aller chercher la septième place du classement, et atteint le cap des 190 buts marqués dans la compétition, un record aujourd’hui encore inégalé. Malgré ce record, son départ dans le football paulista lui coûte un titre de champion du Brésil, car Vasco a été champion cette année-là. Néanmoins, il peut se targuer du fait qu’aucun attaquant de cette équipe de Vasco n’a marqué plus de buts que lui durant le championnat. Bismarck en a marqué huit. Bebeto en a quant à lui inscrit six.

Roberto Dinamite avec le maillot de la Portuguesa

Le 21 octobre 1989, Roberto se rend à São Januário avec le maillot de la Lusa pour affronter son Vasco, et les supporters locaux ne manquent pas de rendre hommage à leur idole. C’est un match spécial pour lui. Durant la rencontre, lorsqu’il a bénéficié d’un coup franc, on a pu entendre le commentateur de Radio Globo, Washington Rodrigues, dire : « si Roberto marque, l’arbitre devra mettre sur la feuille de match que c’est un but contre son camp« . Au final, il n’a pas marqué. Sur une autre action, il s’est retrouvé en bonne position dans la surface, mais il est tombé tout seul. On aurait dit qu’il ne voulait pas marquer, et le match s’est terminé sur un score nul et vierge. Un résultat qui convenait à Roberto, qui n’a pas marqué contre son Vasco, mais qui n’a pas vu non plus son Vasco marquer contre sa nouvelle équipe.

L’année suivante, Roberto fait son retour à Vasco, il fait un bref passage à Campo Grande, une équipe de Rio, avant de définitivement raccrocher les crampons en 1993, peu avant son 39e anniversaire, lors d’un match amical au Maracanã contre l’équipe espagnole du Deportivo La Corogne, qui comptait à l’époque de grands joueurs comme Mauro Silva, Bebeto, Djukic et Fran. On a pu voir Zico, un ami de l’âge d’or du football brésilien, porter le maillot de Vasco pour rendre hommage à son ami. Le match s’est terminé sur une victoire 2-0 des Espagnols, mais peu importe. Tout le monde n’avait d’yeux que pour Dinamite, qui ce jour-là a dit au revoir aux supporters qui ont tant vibré avec lui, pendant deux décennies.

Une légende cruzmaltina

Roberto Dinamite lors de l'inauguration de sa statue à São Januário
Roberto Dinamite lors de l’inauguration de sa statue à São Januário.

Après avoir raccroché les crampons, Roberto est devenu politicien et a cumulé plusieurs mandats en tant que député d’État. Après s’être brouillé avec Eurico Miranda, il s’est présenté à la présidence de Vasco et a remporté les élections en 2008. Cependant, Roberto n’a pas connu le même succès que lorsqu’il était joueur et a vu son équipe être reléguée à deux reprises en Série B du championnat brésilien en 2008 et 2013. Son seul succès a été la victoire en Coupe du Brésil en 2011. Des années plus tard, Dinamite a été honoré d’une statue à São Januário pour immortaliser encore davantage ses prouesses. Le 8 janvier 2023, Dinamite est décédé à l’âge de 68 ans, après avoir souffert pendant plus de deux ans d’un cancer de l’intestin.

L’image qui restera gravée de lui est celle d’une idole, d’un buteur, d’un joueur qui a disputé plus de 1000 matchs sous les mêmes couleurs et qui aura été le symbole de toute une génération. Dinamite a marqué plus de 700 buts dans sa carrière (le chiffre exact reste un mystère, car il n’y avait pas de comptage officiel), il fait partie des plus grands attaquants de l’histoire du football brésilien. Une véritable légende du football.

Son parcours professionnel en bref

Les clubs où il a joué

  • Vasco da Gama (1971-1980, 1980-1989, 1990 et 1992-1993),
  • Barcelone (1980),
  • Portuguesa (1989),
  • Campo Grande (1991).

Palmarès

  • 1 Championnat du Brésil (1974),
  • 5 Championnats Cariocas (1977, 1982, 1987, 1988 et 1992),
  • 2 Trophée Ramón de Carranza (1987 et 1988).

Distinctions personnelles

  • Bola de Prata par la revue Placar : 1979, 1981 et 1984
  • Meilleur buteur du Championnat du Brésil : 1974 (16 buts) et 1984 (16 buts)
  • Meilleur buteur du Championnat Carioca : 1978 (19 buts), 1981 (31 buts) et 1985 (12 buts)
  • Meilleur buteur de la Copa América : 1983 (3 buts)
  • Meilleur buteur de Vasco lors de chaque saison entre 1973 et 1985
  • Meilleur buteur de l’histoire du Championnat du Brésil : 190 buts en 328 matchs
  • Meilleur buteur de l’histoire du Championnat Carioca : 284 buts
  • Meilleur buteur de l’histoire de Vasco da Gama : 702 buts en 1110 matchs
  • Meilleur buteur de l’histoire du stade São Januário : 184 buts
  • Joueur qui a le plus porté le maillot de Vasco da Gama dans l’histoire : 1110 matchs

Plus de chiffres

Roberto Dinamite a marqué 702 buts en 1110 matchs avec Vasco. Il en a inscrit 26 en 47 apparitions avec la Sélection du Brésil. Durant son court passage à Barcelone, il a marqué 3 buts en 10 matchs, et en a inscrit 9 en 17 matchs avec la Portuguesa. Au total, il aura marqué aux alentours de 740 buts dans sa carrière.

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Steve André
Steve André
Grand amateur de football, je me suis découvert depuis plusieurs années une passion pour le football sud-américain. La ferveur, l'ambiance, la garra, l'histoire, voilà ce que je veux partager sur ce site.
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